Avec le changement climatique, la montée des eaux menace de redessiner la carte du littoral français. Selon des projections scientifiques, plusieurs zones pourraient être submergées d’ici 2050 voire avant. Les experts mettent en garde : anticiper et s’adapter sera crucial pour minimiser les impacts. Le point avec Angélique Melet, océanographe à Mercator Ocean, et Alexandre Nicolae Lerma, chercheur-ingénieur au BRGM
D’ici 2100, les scénarios les plus probables envisagent une élévation des océans de 63 cm (valeur basse pour le scénario ayant les plus fortes émissions de gaz à effet de serre et amenant à un réchauffement moyen global de 4,4°C) à plus d’un mètre, selon le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), publié en 2021. Une élévation allant jusqu’à 2 mètres ne peut être exclue en cas d’instabilité rapide des calottes glaciaires.
La France va ainsi changer de visage, comme le montre une récente carte du groupe indépendant de scientifiques et communicants Climate Central. Celle-ci affiche les zones submersibles en fonction de l’élévation du niveau de la mer de 2030 à 2150. Ainsi, Saintes-Maries-de-la-Mer (Bouches-du-Rhône) pourrait devenir une presqu’île, une partie de l’estuaire de la Gironde être sous l’eau, la moitié des îles de Ré et d’Oléron (Charente-Maritime) engloutie ou encore le port du Havre (Seine-Maritime) rayé de la carte.
Un phénomène à l’œuvre depuis la Révolution industrielle
Une telle carte est-elle fiable ? « Cette carte montre les plaines d’inondation côtière avec des méthodes simplifiées, souligne Angélique Melet, océanographe à Mercator Ocean. Pour obtenir de telles zones inondées, il faudrait qu’il n’y ait aucune protection côtière et que les tempêtes aient une durée suffisamment longue pour que toute la plaine d’inondation soit touchée! »
Une chose est sûre néanmoins : « La montée des eaux est enclenchée depuis le début de l’ère industrielle. Elle coïncide avec l’usage intensif des énergies fossiles (gaz, pétrole, charbon) fortement génératrices de gaz à effet de serre, rappelle la chercheuse. Mais l’ampleur et la vitesse de ce phénomène restent incertaines car elles dépendent des émissions à venir de gaz à effet de serre. »
Des protections côtières aux effets limités voire pires
Malgré des dispositifs existants, comme les digues ou les barrières anti-tempêtes, les experts s’accordent à dire que ces solutions ne suffiront pas. « Face à une montée des eaux qui s’accélère, ces protections, qui prennent du temps à être mises en place, seront efficaces de moins en moins longtemps », prévient Angélique Melet. L’histoire le montre : il aura fallu 40 ans aux Pays-Bas pour achever leur « plan Delta » après un raz-de-marée en 1953. En Italie, Venise n’a vu son système de défense MOSE opérationnel qu’en 2020, après plus de 30 ans de travaux.
Préparer l’inéluctable
Pour certains experts, l’adaptation doit passer par une planification audacieuse, et à long terme. « Faut-il déserter ces territoires submersibles ? », s’interroge Alexandre Nicolae Lerma, chercheur au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), à Pessac. L’ingénieur-chercheur évoque des zones comme le bassin d’Arcachon, Lacanau ou Soulac (Gironde), où les modifications de l’organisation spatiale devront être majeures. « Il n’est pas raisonnable de construire aujourd’hui sur des littoraux que l’on sait être fortement impactés dans un futur proche ! », note-t-il. Afin d’éclairer les décideurs pour limiter les risques côtiers et mieux anticiper les impacts des submersions, le BRGM a développé une cartographie interactive des zones basses exposées à l’élévation du niveau de la mer, dans le cadre du projet européen CoCliCo (Coastal Climate Core Services).
Florence Heimburger