Les infections des voies urinaires sont en forte augmentation à l’échelle mondiale. Divers facteurs, notamment l’élevage industriel et la consommation de viande, pourraient en être la cause. Le point avec le professeur François Haab, chirurgien urologue
Cystites, prostatites, pyélonéphrites… Depuis quelques années, le nombre d’infections des voies urinaires est en constante augmentation dans le monde. Entre 1990 et 2019, leur nombre chez les jeunes a bondi de 252 à près de 405 millions de cas, selon une étude publiée en octobre dans la revue scientifique American journal of infection control.
En France, les données manquent. Toutefois, l’incidence annuelle chez les femmes atteint 3200 cas pour 100 00 femmes, dont 102 sont des infections urinaires à E. coli résistant au fluoroquinolone, d’après l’Inserm. Une femme sur deux en souffre au moins une fois dans sa vie, avec un risque de récidive important.
D’après une autre étude, les pays à revenus élevés et les populations vieillissantes sont le plus à risque.
Des causes multiples : hydratation, viande, résistance aux antibiotiques
« Ces infections sont majoritairement (85 %) causées par la prolifération de la bactérie intestinale Escherichia coli (E. coli), qui peut migrer des intestins aux voies urinaires, explique le professeur François Haab, chirurgien urologue. D’autres entérobactéries peuvent aussi en être la cause. Parmi les facteurs de risque figurent la constipation, la ménopause, la chaleur estivale ou les rapports sexuels… ».
Certaines études incriminent la consommation de viande contaminée à E. coli : une fois ingérée, la bactérie colonise l’intestin puis les voies urinaires. Aux États-Unis, la viande contaminée provoquerait chaque année entre 480 000 et 640 000 infections urinaires par an, selon des travaux publiés dans Science Direct.
D’autres pointent l’élevage intensif, où l’usage d’antibiotiques favorise des bactéries résistantes, rendant les traitements moins efficaces.
Il faut dire que la consommation mondiale de viande a doublé depuis les années 1990, selon un état des lieux de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).
En France toutefois, la consommation de produits carnés a baissé ces dernières décennies, selon les statistiques de l’Agreste, le service public des statistiques du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
C’est pourquoi, le professeur François Haab est sceptique quant aux causes énoncées de recrudescence d’infections des voies urinaires : « Il y a une pression sociétale pour réduire la consommation de viande. En France, notre consommation de produits carnés a diminué depuis 20 ans. Par ailleurs, je n’ai pas constaté de multirésistance aux antibiotiques des germes communautaires, lors de ma pratique en ville. Mais les E. coli nosocomiaux, attrapés à l’hôpital, sont, il est vrai, plus résistants aux antibiotiques. »
Prévenir et traiter les infections urinaires
La prévention repose sur des gestes simples : « S ‘hydrater, uriner après les rapports sexuels, éviter de consommer de la viande crue, consommer des fibres, s’essuyer d’avant en arrière aux toilettes, recourir à des lubrifiants lors des rapports sexuels, etc. », indique le chirurgien urologue. En cas de symptômes (brûlures, douleurs, fièvre, sang dans les urines), consultez un médecin pour qu’il prescrive un « traitement minute », souvent efficace en 24 heures. Vous pouvez aussi vous rendre en pharmacie : les pharmaciens sont dorénavant autorisés à délivrer une antibiothérapie de première intention si les signes sont typiques et en l’absence de facteurs de risque. La fosfomycine est le traitement le plus courant, suivi, si besoin, par le pivmécillinam ou les fluoroquinolones.
Florence Heimburger