3 QUESTIONS À. Au cours des mois de septembre et octobre, des pluies intenses ont touché une grande partie du territoire, et plus particulièrement les régions méditerranéennes. Avec des conséquences parfois dramatiques. Pourtant, de telles situations ne sont pas inéluctables. Il est possible d’aménager les villes. Entretien avec Clément Gaillard, urbaniste, spécialiste de l’adaptation climatique
De quelle manière les villes augmentent-elles notre vulnérabilité ?
Clément Gaillard : Historiquement nos villes se sont structurées pour favoriser la circulation automobile. À Paris par exemple, 50 % de l’espace public est consacré à cet usage. Ce choix a entraîné la création de surfaces imperméables, quasi étanches, notamment en raison de l’utilisation massive de l’enrobé bitumeux, peu cher et facile d’entretien. Lors d’un épisode de pluie intense, lorsqu’il tombe 100 litres d’eau sur une forêt, seul 5 litres d’eau vont couler le long du sol. Le reste s’infiltre grâce au réseau racinaire des arbres. En ville, ce sont 50 à 65 litres qui ruissellent faute de pouvoir s’infiltrer dans le sol, et sont renvoyées en aval. Avec un effet cumulatif.
Un revêtement imperméable multiplie par 10 le risque de ruissellement. Dans ce contexte, remplacer une partie du bitume par un revêtement plus poreux est une solution alternative. C’est ce qu’a fait Berlin, une ville exemplaire à cet égard, qui a aussi instauré une taxe sur les surfaces imperméables.
A quoi ressemblerait une ville mieux adaptée et plus résiliente ?
Clément Gaillard : C’est une ville plus maline qui réserve les surfaces bitumées pour les voies carrossables comme les routes ou les rues, et adopte des revêtements plus perméables dans les parkings ou les centres commerciaux qui ne sont occupés que la moitié du temps.
En outre, dans les villes exposées au risque inondation, les rues ne devraient plus être conçues comme des simples axes de circulation pour les voitures et les piétons, mais aussi comme des moyens de canaliser l’eau. Comme l’énonçait l’urbaniste et hydrologue Thierry Maytraud, « si une rue devient torrent, peut-être faut-il la concevoir comme un torrent ». Cette rue-là, on peut lui donner une forme en V et un relief qui va conduire l’eau là ou l’on souhaite qu’elle aille. Dans certaines villes américaines, on trouve ainsi des routes au milieu desquelles passe un ruisseau qui se transforme en torrent lors des fortes pluies. Du coup les gens sont plus vigilants.
Paradoxalement, il importe donc de faire aussi une place à l’eau ?
Clément Gaillard : L’eau dans une ville, est souvent invisibilisée. Elle passe par des tuyaux, on ne la voit pas… L’adoption d’une gestion intégrée des eaux pluviales permet de rendre l’eau visible et de rappeler que lorsqu’on construit, on doit aussi faire une place à cet élément-là.
Dans le cas de Valence (Espagne), la gestion intégrée des eaux fluviales, le fait d’avoir un sol plus poreux aurait peut-être amélioré les choses à la marge, mais n’aurait pas permis d’éviter la catastrophe. Quand les pluies sont d’une telle intensité, on ne peut pas faire grand chose si ce n’est avoir un système d’alerte et performant. Ce qui n’a manifestement pas été le cas. Et former les habitants pour qu’ils aient les bons réflexes le jour ou l’évènement extrême se produit.
Propos recueillis par Alexandrine Civard-Racinais
A Savoir :
• Les pluies sont qualifiées d’intenses lorsqu’elles apportent en peu de temps une quantité d’eau très importante. Cette quantité peut égaler celle reçue habituellement en un mois (normale mensuelle), ou en plusieurs mois. Pour les phénomènes les plus violents, le cumul peut atteindre les 100 mm (1 mm = 1 litre/mètre carré) en seulement une heure. Source : Météo France
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