Dans 25 ans, nous serons 10 milliards. Mais on peine déjà à bien nourrir 7 milliards de personnes. Malgré tout, théoriquement, cela reste possible. Mais pas en gardant nos modes productions et de consommations actuels
Après avoir ambitionné de supprimer la faim dans le monde en 2030, l’ONU en a abandonné l’idée. Parce qu’après avoir fortement progressé vers cet objectif depuis qu’il a été formulé en 2000, la FAO (l’organisation de l’ONU chargée de l’alimentation) rapporte que la situation se détériore depuis 2014.
On a assisté à un dérapage durant la période Covid-19 où 768 millions de personnes ont été considérées comme présentant une « insuffisance énergétique modérée ou sévère ». Le chiffre est de 733 millions cette année 2024 (9,1% de la population mondiale). On dénombre dans le même temps 2 milliards de personnes dont l’alimentation est déséquilibrée par un trop grand nombre de calories et souffrant de surpoids.
Si pour un homme, la consommation recommandée est de 2 600 calories par jour et 2 000 calories pour une femme, la consommation mondiale approche les 3 000 calories en moyenne (avec d’importants écarts). Ce n’est donc pas que la planète ne peut pas nous nourrir tous, c’est que les ressources sont inégalitairement réparties. En gros, l’occident mange trop, certaines régions d’Afrique et d’Asie pas assez.
La production n’est pas la solution
Après avoir longtemps envisagé le problème alimentaire sous l’angle unique de l’augmentation de la production, on prend aujourd’hui en compte d’autres solutions. La FAO préconisait en 2012 d’augmenter de 50% la production agricole pour 2050, elle a changé ses angles d’approche. Parce que si nous sommes passés d’un rendement de 2,5 tonnes de grain à l’hectare dans les années 1950 à 7 tonnes dans les années 1990, force est de constater que ces rendements stagnent au mieux, et diminuent le plus souvent. En cause, l’épuisement des sols, la raréfaction de l’eau et le réchauffement climatique.
Le tout étant lié : l’agriculture produit 24% des gaz à effet de serre. Notamment du méthane issu de l’élevage des bovins (30 fois plus réchauffant que le CO2). Et surtout du protoxyde d’azote qui résulte de l’utilisation d’engrais azoté. 310 fois plus « réchauffant » que le CO2. A cela s’ajoute l’urbanisation incontrôlée qui dévore des terres agricoles, souvent les plus riches, puisque les grandes villes se sont souvent installées à proximité des terres les plus productives.
Moins de viande et moins de gaspillage
Cela a conduit les scientifiques et les organisations internationales à envisager un autre scénario tenant compte de la fin de l’augmentation des rendements. Il passe d’abord par un changement du régime alimentaire. Et notamment en diminuant la consommation de viande car 3 calories végétales sont nécessaires pour produire 1 calorie de viande blanche et 7 calories végétales pour 1 seule calorie de viande rouge. De fait, en France, 70% de la production céréalière est destinée à l’alimentation animale. Avec le manque de surface disponible, ce n’est plus rentable sur la durée.
L’autre pilier pour parvenir à nourrir 10 milliards de personnes est de diminuer le gaspillage alimentaire. L’affaire est loin d’être anecdotique. A l’échelle mondiale, on estime que 30% de la biomasse alimentaire est jetée avant de nourrir qui que ce soit. Soit 1,3 milliard de tonnes de nourriture. Dans les pays les plus pauvres, cette perte survient souvent après récolte du fait des mauvaises conditions de stockage ou d’acheminement. Chez les riches, c’est après achat que l’on jette…
Une étude européenne de 2017 montrait que même avec ses rendements globalement inférieurs, le bio pourrait nourrir la planète en 2050 en évitant le gaspillage et en mangeant moins de viande. En appliquant ces deux préconisations, on pourra tous manger. Et sainement qui plus est.
Jean Luc Eluard
Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation