Le voyage vers Mars est de nouveau dans les agendas. Mais est-il pour autant réalisable ? Et souhaitable ? Il semblerait que la réponse soit positive, avec plusieurs nuances…

Pourquoi aller sur Mars ? « Parce qu’elle est là » pourrait être une réponse à cette question pour paraphraser l’alpiniste George Mallory auquel on demandait pourquoi aller sur l’Everest. Parce que depuis son berceau dans l’est-africain, jamais l’homo sapiens ne s’est refusé à une exploration si elle est possible.

Mais des critiques demeurent : trop cher, trop polluant… Contrairement à ce que l’on pense, elles ne sont pas nouvelles. Avant Apollo 11, qui devait permettre à l’humanité de poser le pied sur la Lune, jusqu’à 60% des Américains étaient hostiles au programme Apollo. Les militants des droits civiques reprochaient à la conquête spatiale d’être un domaine réservé aux blancs et la plupart des opposants pointaient son coût ou son utilisation détournée à des fins militaires. Rien de bien nouveau donc avec Mars.

Comprendre notre atmosphère

Mais l’intérêt scientifique pour Mars est énorme. Parce qu’elle est la presque jumelle de la Terre : certes, sa température moyenne tourne désormais autour de -60° et elle est un immense désert aride. Mais il y a 3,5 milliards d’années, elle présentait un climat doux et humide. Comprendre ce qui a pu se passer pour en arriver là pourrait nous aider à comprendre les dynamiques de notre propre atmosphère. Et éventuellement prévenir un tel désastre.

Les dernières missions ont permis de confirmer qu’il reste de l’eau sous forme de vapeur d’eau et de glace. Entre 1,5 et 3% dans le sol et potentiellement, un océan liquide à plus de 11 km sous la surface. Car la pression atmosphérique de seulement 7 hectopascals (contre 300 sur Terre) interdit la présence d’eau liquide en surface. Mais malgré tout, l’équation est là : eau + carbone + énergie solaire égale une possibilité de vie telle que nous la connaissons. On a tiré un trait sur les petits hommes verts mais il a pu exister (ou peut-être existe-t-il encore) des formes de vie sous forme bactérienne. Là encore, comprendre comment se forme la vie est un enjeu passionnant.

L’homme, mieux que les robots

L’utilité des missions habitées prend alors tout son sens. Car si les robots qui se sont posés ont pu analyser ce qu’ils ont trouvé sous leurs roues, un humain serait mieux à même de décider quelles sont les analyses et les prélèvements pertinents à effectuer. Les six missions lunaires qui se sont posées ont ainsi pu ramener 380 kg d’échantillons dont les analyses ont donné lieu à 12 000 publications.

Reste que les difficultés techniques à affronter pèsent sur les probabilités d’aller rapidement sur Mars. Car c’est autre chose qu’un voyage vers la Lune qui prend 3-4 jours et qui est réalisable avec un simple engin balistique. Pour Mars, il faudra 6 à 9 mois.

Plusieurs défis sont à relever. Et ce notamment pour protéger les voyageurs des rayons cosmiques dont la Terre les épargne lorsqu’ils sont sur l’ISS. Ou encore pour leur fournir la nourriture nécessaire. Et l’eau aussi ! Car si actuellement, l’eau à bord de l’ISS est essentiellement recyclée, il faut régulièrement faire le niveau par des convois d’approvisionnement à cause de la déperdition. Impossible pour Mars. Il faudra aussi lutter contre la décalcification : on perd dans l’espace 1% de sa masse osseuse chaque mois. Ce ne sont que les problèmes les plus évidents car même se poser sur Mars est complexe. A cause de la faible densité atmosphérique, 60% des « amarsissages » ont échoué.

Mars, ce n’est pas demain

Mais tout ceci pourra permettre d’améliorer les technologies comme l’ensemble de la conquête spatiale a permis un progrès technique qui, des couvertures de survie au revêtement des poêles en passant par l’IRM ou l’amélioration de l’informatique, imprègne fortement notre vie quotidienne. Cependant, même si la NASA promet une première mission habitée d’ici dix ans, elle est un peu optimiste.

Quant à Elon Musk, son projet est réalisable… mais il lui faudrait investir plus d’argent qu’il n’en a. Sans parler de son idée d’y créer une colonie d’un million de personnes d’ici 2060. Terraformer la planète rouge est théoriquement possible. Mais les moyens techniques et financiers sont sans commune mesure avec ce dont nous disposerons dans un avenir proche.

Et même si tout cela est insuffisant pour justifier un voyage sur Mars, il reste peut-être la raison la plus importante : la part de rêve qui nous permet de quitter ce monde. Même sans en avoir les moyens.

Jean Luc Eluard

Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

Fermer la popup
?>