De nombreuses études scientifiques démontrent que les gènes ont une part de responsabilité dans l’addiction au tabac. Une part, ça ne veut pas dire que c’est définitivement plié… Explications
Il y a déjà trente ans, une étude américaine évaluait à 50% la part des facteurs génétiques dans la dépendance au tabac. C’est dans les gènes codant les protéines impliquées dans la dépendance à la nicotine que cela se passe. Car le facteur addictif du tabac, c’est bien la nicotine seule et pas le reste. Dommage : facteur de dépendance, la nicotine déclenche une cascade de réactions de plaisir et de sentiment de récompense dans le cerveau.
Normalement, chez les sujets qui ne sont pas porteurs de cette mutation, le circuit de la récompense est neutralisé dès que la dose nécessaire de nicotine est atteinte. Chez ses porteurs, il se produit un bug qui laisse le circuit ouvert et provoque une nécessité de maintenir la dose de nicotine, voire de l’augmenter. Ils ont donc besoin d’une dose trois fois supérieure aux autres pour combler le besoin. Et de fait, cette mutation serait présente chez 90% des gros fumeurs.
Un gène pour la rechute
Autre mauvaise nouvelle tant qu’on y est : la génétique pourrait aussi prévoir les probabilités de rechute après un sevrage du tabac. Car il existe aussi un gène pour cela aussi. Les troubles du sevrage sont gérés dans une zone du cerveau baptisée noyau interpédonculaire. En gros, ce sont des neurones inhibiteurs. Or, la mutation génétique incriminée bloque l’action de ces neurones. Et rend donc la volonté d’arrêter plus fragile. Cette mutation génétique n’est pas rare : 35% de la population européenne la porte et cela monte jusqu’à 50% au Moyen-Orient.
Et comme la génétique est présente partout avec de multiples possibilités, un autre gène vient mettre le bazar dans les bonnes volontés. Ce variant entraîne un métabolisme rapide de la nicotine. En clair, dès qu’ils fument, ses porteurs voient leur niveau de nicotine monter fortement dans le sang et le cerveau avant de diminuer rapidement aussi.
En revanche, chez ceux qui ont un métabolisme lent de la nicotine, son niveau reste stable plus longtemps. Ils ont donc moins envie/besoin de prendre vite une autre cigarette pour « refaire le niveau ». Et double peine pour les métabolismes rapides, l’effet psychologique. La sensation de bien être due au shot de la cigarette est directement associée au fait de la fumer puisque la nicotine grimpe rapidement. Il se produit alors un effet pavlovien qui associe la vision d’une cigarette au plaisir immédiat qu’elle va procurer.
Alcool et tabac, même combat
Tant qu’on y est à subir la malédiction génétique, voilà que l’institut Pasteur en rajoute une couche avec une étude sur les rats montrant qu’un gène lié à l’addiction au tabac est aussi responsable de l’addiction à l’alcool. Les deux vont tellement bien ensemble…
Reste que malgré un avenir qui semble balisé par la génétique, elle ne peut pas tout prévoir. Si des gènes peuvent prévoir une tendance, le fait de fumer dépend de quantités d’autres facteurs psychologiques et comportementaux. L’homme n’est pas qu’une machine à obsolescence programmée. A moins qu’un gène ne vienne coder tout ça…
Jean Luc Eluard
Avec le soutien du ministère de la culture