Ika Paul-Pont, directrice de recherche au CNRS à Brest, spécialisée sur l’écotoxicologie travaille sur les microplastiques présents dans l’océan. Ce sont de véritables radeaux pour les micro-organismes qui peuvent ainsi se développer et coloniser l’écosystème marin. Les conséquences pourraient être nombreuses. Interview
Comment les micro-organismes marins modifient ou colonisent les microplastiques ?
Les micro-organismes vont modifier les plastiques. Lorsque les débris de plastiques arrivent en mer dans un milieu aquatique, ils vont être assez rapidement recouverts de matière organique naturelle. Cela peut être des sucres, des lipides ou des colloïdes. Cette matière organique est naturellement présente dans l’eau de mer. Et cette couche de matière organique qui va se mettre sur les débris plastiques va permettre l’installation des premiers micro-organismes. Ils vont se servir de cette couche de matière organique comme source de nourriture et d’habitat.
Ces premiers micro-organismes peuvent être des bactéries ou du phytoplancton. Ils vont adhérer à la surface des plastiques et former ce qu’on appelle un biofilm. C’est une sorte de film protecteur.
Cela leur permet de se développer en utilisant les éléments nutritifs qui sont présents dans ce biofilm, au sein de cette couche organique. Et puis, au fil du temps, d’autres micro-organismes vont venir s’ajouter. Cela peut donc être des bactéries et du phytoplancton mais il peut y avoir aussi des champignons, des organismes unicellulaires (des eucaryotes). Et au cours du temps, on va avoir des communautés de micro-organismes de plus en plus riches et diversifiées sur ces débris plastiques présents en mer.
Pourquoi ce phénomène serait dangereux pour l’écosystème côtier marin ?
Il y a deux raisons pour lesquelles ce phénomène est potentiellement problématique. La première raison est liée à la persistance des débris plastiques en mer. Les plastiques ne disparaissent pas, ils vont donc pouvoir être transportés pendant très longtemps et sur de très longues distances.
Les micro-organismes qui les colonisent vont donc voyager avec ces débris plastiques. Cela peut poser problème si les déchets plastiques introduisent dans des écosystèmes des micro-organismes qui n’étaient pas présent avant. On parle alors d’introduction de nouvelles espèces : des bactéries mais des petits invertébrés, etc. Cela peut complètement bouleverser l’équilibre de l’écosystème dans lequel ces espèces sont introduites. Elles peuvent par exemple devenir invasives.
La deuxième raison, c’est que parmi les micro-organismes qui colonisent ces débris plastiques, certaines espèces peuvent être toxiques ou nuisibles. Des équipes de recherches scientifiques ont révélé la présence d’algues toxiques, des microalgues qui produisent des toxines, qui sont problématiques pour certaines espèces marines. Mais aussi pour l’homme.
Par ailleurs, nous avons déjà détecté l’ADN de bactéries pathogènes, c’est-à-dire des bactéries qui sont capable d’induire des maladies chez des organismes marins et chez l’homme. Nous avons même détecté certains virus marins aussi à la surface de ces plastiques. Dans quelle mesure ces microorganismes sont encore viable et infectieux à la surface des plastiques ? Il s’agit d’une question à laquelle nous n’avons pas encore de réponse.
Quel parcours vous a mené à devenir directrice de recherche en sciences de l’environnement marin ?
J’ai toujours eu une appétence pour les sciences dès le collège et le lycée, je voulais être vétérinaire pour travailler sur le monde animal. Et comme j’ai eu la chance de grandir en Polynésie, je voulais toujours vivre au bord de la mer. J’ai alors choisi de manière assez évidente la biologie marine.
Pour cela, j’ai suivi une licence de biologie des organismes à l’université de Bordeaux, puis un master recherche sur le fonctionnement des écosystèmes aquatiques. Après, j’ai réalisé un doctorat en biologie Marine au laboratoire Epoc de l’université de Bordeaux à la station marine d’Arcachon. Là, je me suis intéressée aux espèces côtières et notamment les mollusques bivalves. Mon sujet de thèse s’intéressait aux stress multiples, c’est-à-dire aux interactions entre maladies et pollution métallique. J’ai été recrutée en tant que chargée de recherche au CNRS en 2014. Et cette année, j’ai passé le concours pour devenir directrice de recherche à au CNRS.
Je conseille aux jeunes filles de ne pas s’autocensurer sur le choix de filières scientifiques, de découvrir la diversité des métiers possibles. Mais aussi de profiter des évènements de médiation comme la Fête de de la science pour découvrir le monde de la recherche. Et même d’inciter leurs professeurs à inviter en classe des scientifiques.
Propos recueillis par Alexandre Marsat
Ika Paul-Pont est directrice de recherche au laboratoire Lemar.
Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
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