3 QUESTIONS À Marina Kvaskoff, épidémiologiste à l’Inserm, dirige un groupe de recherche en santé publique dont les travaux visent à améliorer les connaissances sur l’endométriose et la santé des femmes. L’étude d’une cohorte de 10 000 patientes est riche d’enseignements sur l’endométriose

Vous avez montré que dès l’enfance certaines expositions sont favorables à la survenue d’endométriose. Lesquelles ?

Marina Kvaskoff : En 2013, j’ai mené une recherche sur l’influence de certaines expositions au cours de l’enfance et de l’adolescence sur le risque d’endométriose dans la cohorte E3N-Générations (qui suit près de 100 000 femmes depuis 1990). On a observé que le risque d’endométriose était inversement associé à l’âge aux premières règles et à la durée des cycles menstruels avant l’âge de 17 ans, ce qui était déjà connu.

Mais pour la première fois, nous avons observé des relations entre l’exposition aux animaux domestiques et de ferme dans l’enfance et le risque d’endométriose, avec une petite augmentation du risque, entre 12 et 24%. C’est assez modeste mais c’est une relation qui est intéressante à étudier, parce que plusieurs hypothèses peuvent être formulées derrière ces résultats.
Nous les avons étudiées parce que l’endométriose a été associée à l’asthme. Pour l’asthme, la théorie hygiéniste, connue, indique que plus on est exposé tôt à des agents pathogènes et des allergènes, plus le système immunitaire est aguerri et le risque d’asthme est diminué.
Or, on a observé l’inverse pour l’endométriose, dont le risque était plus élevé avec l’exposition aux animaux domestiques dans l’enfance.

Vous avez lancé une cohorte de 10 000 participantes ? Qu’est-ce que cette cohorte vous a appris ?

Marina Kvaskoff : En 2018-2019, nous avons lancé une cohorte sur l’endométriose au sein de la plateforme ComPaRe, la cohorte ComPaRe-Endométriose, qui inclut 10 000 participantes de ComPaRe atteintes d’endométriose et/ou d’adénomyose (1).

Dans une première étude, à la question « si vous aviez une baguette magique, qu’est-ce que vous changeriez dans votre prise en charge ? », trois thèmes se sont distingués. D’abord « améliorer la connaissance et la reconnaissance de la maladie par les soignants ». Puis « mettre fin aux violences médicales » et « améliorer la prise en charge des soins spécifiques de l’endométriose ». 

L’étude publiée dans le Journal of Women’s Health montre qu’il y a donc matière à améliorer significativement la prise en charge de ces patientes. Nous avons par ailleurs montré dans une étude en cours, que le délai de diagnostic est élevé dans cette cohorte : 10 ans en moyenne. Et avant de recevoir ce diagnostic, les patientes ont rapporté avoir consulté en moyenne 8 professionnels de santé et 3,5 types de professionnels différents. C’est une grande errance médicale.

Quel parcours vous a amené à devenir épidémiologiste à l’Inserm spécialisée en endométriose ?

Marina Kvaskoff : J’ai d’abord fait un DEUG de biologie-biochimie (équivalent L1-L2) puis une Maîtrise des Sciences et Techniques en santé publique (équivalent L3-M1). J’ai alors découvert l’épidémiologie pour la première fois et quand j’ai lu la description sur la plaquette de la formation, j’ai eu envie d’étudier cette discipline. J’ai ensuite fait un Master 2 en santé publique, et je me suis rendue compte que je voulais faire de la recherche. J’ai réalisé une thèse d’épidémiologie entre la France et l’Australie, et j’ai poursuivi par un post-doctorat à Harvard. J’ai ensuite été recrutée en tant que chercheuse à l’Inserm en rentrant en France il y a 10 ans.

Au départ, je travaillais sur les expositions hormonales associées au risque de cancer de la peau. Et finalement, la première « exposition hormonale » que j’ai étudiée c’est l’endométriose. Cela fait maintenant 20 ans que je travaille sur cette maladie.

Je suis actuellement en train de monter une équipe de recherche sur l’épidémiologie de la santé gynécologique au sein de mon unité. Je souhaite utiliser notre expérience de l’étude de l’endométriose pour étudier plus globalement la santé des femmes. Notamment les maladies gynécologiques non malignes, qui certes ne sont pas associées à une mortalité importante comme le cancer, mais qui ont un impact très important sur la qualité de vie des femmes. Ces impacts peuvent aller jusqu’à modifier les trajectoires de vie des femmes.

Propos recueillis par Alexandre Marsat

La cohorte ComPaRe est toujours ouverte, donc si vous avez plus de 18 ans et êtes atteinte d’endométriose et/ou d’adénomyose (ou de toute autre maladie chronique), vous pouvez y participer pour accélérer la recherche sur la maladie : https://compare.aphp.fr/

(1) L’objectif est de documenter le vécu des patientes, leur expérience vis-à-vis de la maladie et de leur prise en charge, et d’étudier l’évolution de la maladie. 

Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

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