3 QUESTIONS À. Les réseaux sociaux prennent une place de plus en plus importante dans nos vies. les Français y consacrent en moyenne près d’une heure par jour. Et chez les 15-24 ans, c’est le double. Cela peut-il impacter notre sommeil, et favoriser la survenue de cauchemars ? Reza Shabahang, de l’université australienne de Flinders, co-auteur de la toute première étude sur les cauchemars liés aux médias sociaux nous répond

Pourquoi avez-vous décidé d’étudier spécifiquement les cauchemars provoqués par les réseaux sociaux ?

Reza Shabahang : Nos vies sont étroitement liées aux médias sociaux. Mais il reste une multitude de questions à explorer concernant leurs effets sur les utilisateurs. Par ailleurs, les problèmes de sommeil sont de plus en plus fréquents, en particulier dans le monde d’aujourd’hui qui dépend fortement du numérique. Les cauchemars peuvent perturber le cycle du sommeil et entraîner des problèmes psychologiques tels que la dépression et l’anxiété. On peut supposer qu’à mesure que les médias sociaux deviennent partie intégrante de notre vie quotidienne, leur influence s’étend à notre sommeil, affectant potentiellement le contenu de nos rêves.      

Dans notre étude, nous avons donc cherché à explorer les mécanismes par lesquels les réseaux sociaux peuvent affecter la qualité du sommeil et le contenu des rêves, en se concentrant spécifiquement sur les cauchemars liés aux médias sociaux.    

Quels ont été les résultats de votre étude ?

Reza Shabahang : Nous avons examiné les relations entre l’utilisation des réseaux sociaux et le contenu des rêves, la qualité du sommeil, et le bien être chez 595 adultes volontaires. Il a été proposé aux participants des échelles d’auto-évaluation, afin notamment de répertorier la fréquence et le contenu des cauchemars.

Nos résultats suggèrent que les réseaux sociaux peuvent avoir un impact négatif sur le sommeil et sur le bien être des utilisateurs en influençant le contenu des rêves.

Les cauchemars les plus courants concernaient l’incapacité de se connecter aux réseaux sociaux et la rupture ou la perturbation des relations avec les autres utilisateurs de ces réseaux. Les personnes qui utilisaient le plus les réseaux sociaux ont souffert davantage de ce type de cauchemars. Et ces mauvais rêves étaient corrélés à une anxiété accrue et à une mauvaise qualité de sommeil, notamment à cause de l’état de détresse lié à ces rêves désagréables.

Bien que nous manquions encore de preuves définitives à ce sujet, nous pouvons émettre l’hypothèse selon laquelle les utilisateurs de plateformes sur lesquelles il y a un plus grand nombre d’interactions négatives, telles que la cyberintimidation ou le harcèlement, pourraient être davantage enclins à rêver de ces événements pénibles.      

Comment est-il possible de réduire la fréquence de ces cauchemars liés aux réseaux sociaux ?

Reza Shabahang : D’après les études menées sur le sujet, il semblerait qu’adopter une utilisation plus « consciente » de ces réseaux sociaux permettrait de réduire la probabilité de vivre ce type de cauchemar.

Concrètement, il s’agit pour les utilisateurs de bien prendre conscience des sentiments qu’ils éprouvent, de leurs pensées et de leurs sensations lorsqu’ils utilisent ces réseaux. Cette prise de recul facilite notre compréhension de la manière dont nos émotions sont affectées par ces réseaux, et cela nous permet de prendre conscience du moment où il est nécessaire de se déconnecter pour maintenir notre équilibre psychologique, cognitif et émotionnel.

Je pense qu’une telle routine peut réduire l’influence négative des médias sociaux sur les rêves, garantissant ainsi un sommeil de meilleure qualité.

Propos recueillis par Thomas Allard

Avec le soutien du ministère de la culture

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