Les études se succèdent mais le soupçon reste : les liens entre le téléphone mobile et l’augmentation possible des cancers est un serpent de mer de la recherche. Difficile de trancher quand une multitude de paramètres peuvent entrer en jeu

D’abord une certitude : seuls un quart des Français pensent que l’usage du téléphone mobile est « sûr » pour la santé. C’est une étude du CREDOC de 2015 qui le montre. Pour autant, si 75% d’entre eux craignent des effets délétères, cela ne semble pas faire baisser son usage. Un premier paradoxe.

Les inquiétudes se basent sur des certitudes : les ondes électromagnétiques ne sont pas sans conséquences sur les tissus du corps humain. A forte intensité (au niveau industriel), les basses fréquences nuisent au système nerveux, voire à la rétine. A plus haute fréquence, dans le domaine des radiofréquences qui nous intéresse ici, les conséquences sont moindres mais réelles. On parle notamment d’un effet thermique, qui correspond à une élévation de la température des tissus biologiques. Elles peuvent aussi modifier temporairement l’activité électrique cérébrale sans que l’on ait pu en conclure quoi que ce soit sur un effet néfaste prolongé. Voilà pour les connaissances.

Aucun risque… mais soyons prudents

Mais pour savoir si ces faits avérés induisent une augmentation de la prévalence des cancers… on reste dans le flou. Certes, une grande étude de « cas-témoins »1 en 2022, menée dans 15 pays auprès des jeunes utilisateurs de téléphone depuis leur enfance (Mobi Kids) concluait qu’il n’y avait pas lieu de s’alarmer. Ses résultats « ne permettent pas d’établir une augmentation du risque de tumeurs du cerveau en lien avec l’utilisation du téléphone portable ou les doses de radiofréquences reçues ». De quoi mettre fin au débat ? Hé bien non car les auteurs ajoutaient aussitôt que « des sources possibles de biais résiduels ne permettent pas d’exclure totalement un léger risque. » Et c’est comme ça depuis plus de 30 ans.

Dans le même esprit, les Australiens sur la base des données statistiques collectées sur 29 ans, soit à peu près l’époque de l’explosion de l’usage des téléphones mobiles, concluaient que la fréquence des cancers cérébraux était restée stable sur trois décennies. Cette période permet d’avoir le recul suffisant pour tenir compte de l’apparition tardive et de l’évolution des cancers.

De même, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) estime qu’il n’existe « pas de lien de causalité » entre les ondes et des effets sur la santé. Mis à part des troubles du sommeil, des performances cognitives ou de la fertilité chez des animaux mâles. Mais aucun effet irréversible. Ce qui ne l’empêche pas de publier une liste de recommandations visant à limiter l’usage du téléphone notamment en préconisant l’usage des oreillettes pour ne pas l’approcher de la tête.

Graves conséquences chez les rats

Certaines études sont plus inquiétantes. Ce qui a conduit le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) à classer l’utilisation des téléphones mobiles comme « peut-être cancérogène pour l’homme » en 2011. Le « peut-être » soulignant le fait qu’il n’y a aucune preuve du contraire. Et en 2016, le NTP (National Toxicology Programm) américain mettait en évidence l’augmentation des gliomes dans le cerveau de rats soumis à un usage intense des radiofréquences. Les gliomes sont différents types de cancer affectant le cerveau et la moelle épinière.

En augmentation aussi, les cardiomyopathies dans le ventricule droit des animaux et une baisse du poids des nouveaux nés issus de mères soumises à un bombardement d’ondes téléphoniques. Rapidement, des biais dans l’étude ont été soulignés mais une autre étude italienne est venue pourtant corroborer ces résultats en 2018.

Bref, le débat est loin d’être clos. Et même s’il l’était négativement, est-ce que l’on pourrait revenir en arrière sur l’usage du mobile ?

Jean Luc Eluard

1 On compare deux populations témoins : une sans maladie et une autre avec maladie (ici en l’occurrence, des tumeurs au cerveau) et on étudie leur usage passé du téléphone.

Avec le soutien du ministère de la culture

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