La consommation de certains additifs alimentaires émulsifiants serait associée à un « risque accru » de développer un diabète de type 2, selon étude scientifique. Décryptage

Carraghénanes ou E407, phosphate de potassium ou E340, citrate de sodium ou E331, etc. Ces émulsifiants figurent parmi les plus fréquemment utilisés par l’industrie agroalimentaire. Leur usage vise à améliorer la texture des produits tout en prolongeant leur durée de conservation. On en trouve dans les aliments industriels transformés tels que des gâteaux, yaourts, glaces, pains, margarines et autres plats préparés. Mais ils ne seraient pas anodins. Or, en Europe et en Amérique du Nord, 30 à 60 % de l’apport énergétique alimentaire des adultes provient d’aliments ultra-transformés.

Des scientifiques de l’Inserm, de l’INRAE, de l’Université Sorbonne Paris Nord, de l’Université Paris Cité et du Cnam, regroupé au sein de l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren-Cress) ont en effet montré que la consommation de certains additifs alimentaires émulsifiants serait associée à un risque accru de diabète de type 2, selon leur étude publiée fin avril dans la revue Lancet Diabetes & Endocrinology.

Un risque accru de 3 à 15 % selon l’émulsifiant

Les scientifiques ont analysé les données de santé entre 2009 et 2023 de 104 139 adultes participant à l’étude de cohorte NutriNet-Santé. Ils ont plus spécifiquement passé au crible leur consommation d’additifs alimentaires et la survenue d’un diabète de type 2.

Au cours du suivi, 1056 participants ont déclaré la survenue de cette pathologie, attestée par le remboursement d’anti-diabétiques. Plusieurs facteurs de risque bien connus pour le diabète ont été pris en compte dans l’analyse. Il s’agit de l’âge, sexe, poids (IMC), niveau d’éducation, antécédents familiaux, tabagisme, alcool, niveaux d’activité physique, qualité nutritionnelle globale de l’alimentation, etc.

Après un suivi moyen de sept ans, les chercheurs ont observé que l’exposition chronique à plusieurs émulsifiants était associée à un risque accru de diabète de type 2. C’est le cas du phosphate tripotassique (E340) qui augmente le risque de 15 % par incrément de 500 mg par jour. Mais aussi de la gomme-guar (E412) qui l’accroît de 11 % par incrément de 500 mg par jour et de la gomme xanthane (E415) de 8 % par incrément de 500 mg par jour. D’autres émulsifiants (E472e, E331, E414, E407) élèvent ce risque de 3 à 4 % par incrément de 100 à 1000 mg par jour selon l’émulsifiant…

La piste d’un effet sur le microbiote intestinal bientôt explorée

Toutefois, les principaux auteurs de l’étude, Mathilde Touvier, directrice de recherche à l’Inserm, et Bernard Srour, professeur junior à INRAE, nuancent dans un communiqué de l’Inserm : « ces résultats sont issus d’une seule étude observationnelle pour le moment, et ne permettent pas à eux seuls d’établir un lien de cause à effet. Ils doivent être reproduits dans d’autres études épidémiologiques à travers le monde et complétés par des études expérimentales toxicologiques et interventionnelles. Afin d’éclairer davantage les mécanismes liant ces additifs émulsifiants et la survenue du diabète de type 2. »  

Comment les chercheurs expliquent-ils cette association directe ? Pour l’heure, pas de piste claire mais des hypothèses. L’équipe de recherche va désormais s’intéresser aux variations de certains marqueurs sanguins et du microbiote intestinal en lien avec la consommation de ces additifs, pour mieux comprendre les mécanismes sous-jacents. Elle va également s’intéresser aux impacts sur la santé des mélanges d’additifs et de leurs potentiels « effets cocktails ».

Les émulsifiants accroitraient aussi les risques cardiovasculaires et certains cancers

« Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour inciter à réévaluer les réglementations régissant l’utilisation d’additifs émulsifiants dans l’industrie alimentaire afin de mieux protéger les consommateurs », concluent les auteurs.

De précédentes études avaient déjà montré que les émulsifiants pourraient accroître aussi les risques cardiovasculaires et de certains cancers.

Florence Heimburger

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