« Tel chien, tel maître » affirme l’adage populaire. Il est courant de faire des analogies entre un chien et son maitre que ce soit sur des traits physiques ou de caractère. Mais, au fond, se ressemblent-ils vraiment ?
« Il n’y a pas vraiment d’études sur ce sujet et il est compliqué de définir ce que « ressembler » signifie vraiment. Souvent des jeux de communication associent tel chien et tel maître, mettant en avant des traits physiques similaires tels que gros, fin, frisé ou des attitudes ressemblantes telles que l’apathie. Cela est fait souvent de manière comique et biaisé. En réalité, scientifiquement, il n’y a pas de ressemblance ou alors elles sont anecdotiques » estime Christophe Blanchard, sociologue à l’université Sorbonne-Paris Nord-Paris XIII, auteur notamment d’un essai de sociologie canine « Les maîtres expliqués à leurs chiens » (Ed. La découverte, 2014) et titulaire d’un diplôme de maître-chien.
Des critères de choix autres que la ressemblance
Les personnes lorsqu’elles choisissent un chien se basent rarement en effet sur une ressemblance physique potentielle. D’autres raisons entrent en jeu, notamment les effets de mode générés par les réseaux sociaux qui rendent telle ou telle race très visible ou par des films à succès. Dernièrement, le film « The artist » a rendu les Jack Russel terrier très prisés par la population quant « Anatomie d’une chute » a fait du border collie Snoop une star des Oscars et de la croisette et a gagné en popularité.
Un des autres critères de choix qui prévaut est surtout le lieu où l’on vit. Les jeunes urbains optent pour des chiens de taille petite ou moyenne tandis que les ruraux, disposant d’espace, peuvent choisir par exemple des bergers belges malinois ou australiens. Si les personnes ont des enfants, leur préférence va se porter vers des chiens au caractère joueur. « Il peut y avoir aussi, dans une nouvelle génération de maîtres, un choix plus intellectualisé tel celui de l’écrivaine Hélène Gateau qui revendique d’investir son instinct maternel dans un chien plutôt qu’un enfant », ajoute Christophe Blanchard.
Un faire-valoir de sa propre image
Force aussi est de constater que le choix de tel ou tel chien se fait également en fonction de l’image que le maître veut donner de lui-même. Les chiens de race, coûteux, peuvent signifier l’appartenance à une certaine classe sociale tout comme certaines races, par exemple les corgis de la reine Élisabeth II, affichent désormais une image liée à la royauté et à l’aristocratie.
Le sociologue, qui a mené des recherches sur le lien entre animaux domestiques et questions socio-politiques pointe : « Inversement, on a pu voir Emmanuel Macron, qui possédait un chien de race, adopter, une fois élu, un labrador à la SPA pour donner un signal aux électeurs. De même, dans les années 90, les molosses étaient choisis dans les banlieues, par des caïds, pour renvoyer une image de pouvoir et de crainte, ce qui ne serait pas le cas avec un chihuahua. Autre exemple : un border collie, réputé très intelligent peut donner une image très flatteuse de son maître ».
Traits de caractère : un réel effet miroir
Une certaine analogie peut cependant se produire quant aux traits de caractère, entre chien et maître. Une personne casanière va prendre un chien plus tranquille, quand un sportif voudra bien sûr un chien au profil plus dynamique et aventureux. On va ainsi souvent assez naturellement choisir ce qui nous est familier, un chien dont on pense que le caractère est similaire à soi ou adapté à son style de vie. « Cependant, on voit que les choix se font beaucoup au feeling, sans d’ailleurs que les personnes ne se soient vraiment informées sur le caractère du chien », nuance Christophe Blanchard. « Certains peuvent se tromper sur l’image qu’il projette sur le caractère de telle ou telle race de chien. C’est le cas par exemple avec les Jack Russel, très actifs et d’une sportivité redoutable qui peuvent paraître joueurs mais qui, s’ils sont mal éduqués, peuvent être terribles. »
Le sociologue n’en reconnaît pas moins une forte complicité entre l’homme et le chien, qui flirte avec une forme de mimétisme et de ressemblance. Premier animal domestiqué et ce, depuis 30 000 ans, le chien s’est transformé culturellement et biologiquement au cours de l’histoire pour plaire à l’homme, ce qui expliquerait une forme d’effet miroir. « Les chiens sont aussi les seuls animaux capables de détecter avec finesse les physionomies de son maître, s’il va bien ou mal. Ils se révèlent de véritables éponges émotionnelles ».
Il arrive ainsi que des maîtres qui vont mal transmettent leur mal-être à leurs chiens pouvant tomber en dépression, ce qui correspondrait à l’adage « Tel maître, tel chien ». A l’inverse, le chien peut avoir le pouvoir de transformer son maître. Coordinateur scientifique pour l’armée de terre, Christophe Blanchard s’occupe justement du programme ARION. Il permet à des militaires en état de stress post-traumatiques de retrouver grâce au lien avec un chien un équilibre perdu. « Il y a dans ce cas, une contagion émotionnelle positive pour l’humain. Une forme de fusion entre le chien et le maître qui dépasse le rationnel. »
Marianne Peyri