Des solutions douces existent pour limiter les nuisances réelles ou supposées commises par les corneilles. En voici deux, testées au Jardin des Plantes de Paris, dans le cadre d’un programme d’étude scientifique

Chaque année 500 000 corneilles noires et autres corvidés sont tués en raison de leur classement parmi les espèces susceptibles d’occasionner des dégâts. Pourtant, des solutions douces existent pour limiter les nuisances réelles ou supposées commises par ces oiseaux, comme en témoigne Frédéric Jiguet. Professeur au Muséum  d’Histoire Naturelle de Paris, cet ornithologue passionné est en charge depuis 2015 d’un programme d’étude destiné à comprendre le comportement des corneilles parisiennes et à proposer des alternatives à leur destruction.

Eviter de leur faciliter l’accès aux poubelles

L’une des nuisances reprochées aux corneilles noires est leur répréhensible propension à vider le contenu des poubelles sur les trottoirs. Pourquoi diable font elles cela ? « Parce qu’elles aiment les frites », explique très sérieusement Frédéric Jiguet dans son ouvrage Vivent les corneilles. Nos restes alimentaires représentent une grande partie de l’alimentation des corneilles urbaines. Et l’utilisation généralisée des sacs poubelles transparents pour des motifs sécuritaire leur facilite la vie !

Il est pourtant possible de limiter, voire d’empêcher cette nuisance, « en mettant en place des poubelles avec armature, couvercle, et en évacuant les sacs pleins au moment de leur remplacement. Il faut aussi bien dimensionner les poubelles » pour éviter leur débordement.

Depuis juillet 2015, une étude a été mise en place par le MNHN à la demande des services environnement de la Mairie de Paris. Il s’agit de capturer et marquer des corneilles, pour étudier leurs déplacements et leur survie. Grande amatrice de fast food, la corneille « Vert 819 » a été baguée et équipée d’une balise en décembre 2022. PHOTO : Marie-Lann Tay-Pamart.

Arrêter de tondre la pelouse à l’automne

Autre reproche récurrent, le saccage des pelouses des parcs et jardins ! Encore une preuve de leur incivisme ? Plutôt un indice de la présence de larves de hannetons européens, dont les corneilles raffolent.  Là encore, une parade existe : ne plus tondre dès l’automne permet à l’herbe de mieux s’enraciner, d’être plus dense et haute en hiver, empêchant les corneilles d’y détecter les larves d’insectes.

Une expérience menée deux années de suite au carré Lamarck du Jardin des Plantes, dans le cadre d’une thèse de doctorat a en effet démontré que l’arrêt des tontes réduit de 50 % l’arrachage des pelouses. Avec, à la clé, un bénéfice multiple : « économies de temps, de matériel et d’énergie en arrêtant de tondre, et économies de restauration des pelouses au printemps », énumère Frédéric Jiguet.

Regarder les corvidés d’un autre oeil

Si les humains seraient bien inspirés de mieux gérer leurs détritus et d’arrêter de transformer chaque pelouse en parcours de golf, il serait également souhaitable qu’ils regardent les corneilles d’un autre oeil. Car celles-ci rendent de nombreux services aux humains. « Les corneilles limitent le nombre de hannetons (dont les adultes causent des dégâts aux cultures), mangent les (cadavres de) rats, nettoient les trottoirs de nos restes alimentaires » participant ce faisant au recyclage de la matière organique.

On peut aussi se demander s’il est vraiment de les trucider à grande échelle. « Aussi incroyable que cela puisse paraître, aucune évaluation n’a jamais été menée pour confirmer que la destruction de centaines de milliers d’animaux réduit les dégâts qu’on leur attribue », déplore Frédéric Jiguet qui plaide pour une réelle évaluation de ces politiques de destruction et une cohabitation apaisée entre humains et corvidés.

Alexandrine Civard-Racinais

A lire :

Frédéric Jiguet. Vivent les corneilles, Actes Sud, 2024.

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