Repas de sang d'Aedes aegypti, moustique vecteur de la dengue, fièvre jaune et chikungunya.

Les pièges à odeur font partie de l’arsenal de lutte contre les moustiques du genre Aedes, qui constituent une menace mondiale pour la santé humaine. Pour renforcer leur efficacité, il est essentiel de comprendre les facteurs qui influencent la perception des odeurs attractives pour les moustiques femelles. C’est l’objet de la thèse d’entomologie médicale d’Aïcha Loïal, menée au sein de l’Institut Pasteur de Guadeloupe.

Chez les moustiques, seule la femelle pique. L’olfaction est-il un sens important pour elle ?

Aïcha Loïal :  Oh oui (rires) ! C’est même le sens le plus important ! Pour trouver un gite de ponte ou une proie sur laquelle prendre son repas de sang, le moustique femelle se sert en premier lieu de son odorat. Ses autres sens, comme la vision, n’entrent en jeu que lorsque la cible est proche. Les antennes situées sur sa tête sont couvertes de sensilles. 

A l’oeil nu, ces récepteurs ressemblent à des petits poils. Lorsqu’une molécule est présente dans l’environnement, l’odeur entre par les pores présents sur la sensille. Elle est captée par les neurones olfactifs, puis traduite en message électrique perçue par le cerveau du moustique : « Ça sent bon par là. Je vais pouvoir trouver du sang ou un gîte de ponte  ». Le CO2 que nous émettons ou l’acide lactique produite par les cellules de la peau sont des molécules très attirantes pour un moustique femelle.

Grâce à son odorat, le moustique femelle peut repérer un gite de ponte favorable, comme ici. PHOTO : Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie

D’où l’idée d’utiliser des pièges à leurres olfactifs pour les attirer et les tuer ?

Aïcha Loïal : Oui, ces pièges fonctionnent avec des appâts, des leurres olfactifs basés sur des molécules attractives pour les moustiques femelles. Mais on s’est rendu compte, d’un laboratoire à un autre, d’un continent à un autre, que ces pièges ne fonctionnaient pas à 100 %. Face à une même odeur validée comme étant attractive après des tests en laboratoire, les moustiques femelles peuvent avoir des comportements différents sur le terrain. Et ça, on ne sait pas encore l’expliquer. Or, pour espérer battre son ennemi, il faut bien le connaître !

Ma thèse en cours vise à comprendre les facteurs qui influencent la perception des odeurs réputées attractives par les moustiques Aedes aegypti. Le fait d’avoir déjà pondu ou d’être infecté par un virus modifie-t-il l’odorat des moustiques femelles ? De même, l’origine des moustiques (Afrique versus Asie par exemple) a-t-il une incidence ?  Rendez-vous en 2026 pour connaître la réponse (rires).

Quel est l’enjeu de tels travaux ?

Aïcha Loïal : L’objectif premier est de renforcer l’efficacité des pièges à odeur qui représentent une alternative écologique aux insecticides. Si on arrivait à isoler une odeur qui ait le même pouvoir d’attraction sur toutes les femelles Aedes aegypti à travers le monde, quel que soit leur état : gravides ou pas, infectées ou pas, ce serait top ! On pourrait ainsi attirer et capturer spécifiquement les femelles au moment du repas de sang ou de la ponte, le tout sans effet néfaste pour la santé et l’environnement et ce, à l’échelle de toute la planète ! Moustiques, préparez vous ! La contre-attaque des odeurs est relancée !

Propos recueillis
par Alexandrine Civard-Racinais

Photo de une : Institut Pasteur/Anna-Bella Failloux

À savoir  :

  • Le moustique tigre Aedes albopictus et son cousin Aedes aegypti représentent indirectement une menace pour la santé des humains en France et ses régions ultramarines. 
  • Tous deux peuvent transmettre plusieurs virus, notamment celui de la dengue qui fait partie des maladies dites « ré-émergentes ».
Lauréate du concours 2024 Ma Thèse en 180 secondes, Aïcha Loïal a reçu le prix du public pour la présentation de son projet : « Compréhension de la plasticité comportementale des populations d’Aedes aegypti pour améliorer la surveillance et la lutte antivectorielle ».

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