Nul besoin d’être en pleine campagne électorale pour s’inquiéter de sa capacité à repérer un mensonge. Les recherches en psychologie suggèrent que les gens mentent au moins une fois par jour.

Une étude de 2006 portant sur 206 documents a révélé que nous sommes juste un peu plus doués que le hasard pour deviner si on a affaire à un mensonge ou non, à 54 % exactement.

Certains mensonges sont racontés pour préserver autrui : ce qu’on appelle un mensonge blanc. Cela ne me dérangerait pas que quelqu’un me dise : « Vous êtes un psychologue brillant ». Cependant, la plupart des mensonges profitent plutôt à l’avantage de la personne qui les profère.

Nous apprenons à mentir très tôt, généralement entre deux et trois ans. Élaborer un mensonge réussi prend un peu plus de temps et nécessite une capacité plus développée à comprendre l’état d’esprit des autres.

Il faut également une bonne mémoire de travail, afin de pouvoir se souvenir de son mensonge. Les enfants les plus brillants semblent être ceux qui mentent le plus souvent et le plus égoïstement. À l’âge adulte, nous sommes, semble-t-il, bien rodés.

Il n’y a pas de signes révélateurs du mensonge en soi, mais il peut y avoir des indicateurs d’émotions négatives associées au mensonge (anxiété, culpabilité, honte, tristesse, peur d’être pris) même lorsque le menteur essaie de les dissimuler.

Ces émotions se manifestent parfois par des micro-expressions, ces expressions faciales qui durent une fraction de seconde, ou par des expressions dissimulées où le menteur couvre l’émotion par un masque, généralement un faux sourire.

On reconnaît un faux sourire au fait qu’il n’implique pas les muscles autour des yeux et qu’il quitte rapidement le visage. Les vrais sourires s’estompent plus lentement.

Mais le problème des indicateurs non verbaux de la tromperie est que la plupart d’entre nous auraient besoin de revoir le comportement au ralenti pour le repérer.

Une personne croise les doigts derrière son dos
Êtes-vous doué pour repérer un mensonge ? file404/Shutterstock

Faire face à la vérité

Qu’en est-il du fait d’éviter le contact visuel, considéré globalement comme un indice de tromperie ? Ma mère m’a toujours dit qu’elle savait reconnaître mes mensonges parce que je n’arrivais pas à la regarder dans les yeux. Elle se rapprochait et me demandait ce que j’avais fait la veille.

Pourtant, le contact visuel n’est pas un indicateur utile de la tromperie. Le contact visuel est modifié par notre activité cognitive même lorsque nous disons la vérité. Par exemple, en planifiant notre discours ou en faisant appel à notre mémoire.

De plus, nous savons tous que c’est ce que les gens essaient de repérer. Et les menteurs savent contrôler ce facteur. Les bons menteurs peuvent maintenir le contact visuel lorsqu’ils mentent, en planifiant leur mensonge à l’avance et en construisant leurs mensonges sur des fragments de vérité et des situations réelles.

Le contact visuel est également influencé par la distance interpersonnelle. Il est difficile de maintenir le contact visuel lorsque quelqu’un est assis tout près de vous et vous regarde fixement (comme ma mère).

Certains comportements signalent le degré d’intimité entre deux personnes, comme la distance, le contact visuel et le sujet de la conversation. Si la distance interpersonnelle change, nous cherchons à l’équilibrer. Ainsi, lorsque ma mère s’est approchée pour l’interrogatoire, j’ai détourné le regard et elle a obtenu la preuve qu’elle cherchait.

Il s’agit d’un type de biais de confirmation. Il ne s’agit pas seulement de chercher des preuves pour confirmer son hypothèse, mais aussi d’influencer inconsciemment le comportement que l’on recherche.

Cela ne s’applique pas seulement à ma mère. Une étude de 1978 a suggéré que les officiers de police, lors des interrogatoires, se rapprochent des suspects qu’ils pensent coupables. Si le suspect détourne le regard… il est plus susceptible d’être coupable ! Les observateurs ne remarquent pas le changement de distance.

Mais le biais de confirmation ne concerne pas seulement la distance entre les personnes. Nous jugeons instantanément et inconsciemment de la fiabilité d’une personne à son visage, et ce très rapidement dans la vie quotidienne (environ un dixième de seconde). Une fois que nous avons décidé qu’une personne semble digne de confiance, nous allons inconsciemment chercher moins d’indices de tromperie.

La détection des mensonges est pleine de biais et les bons menteurs savent comment les exploiter. Ils savent ce que nous recherchons et c’est précisément ces éléments qu’ils contrôlent. Un bon contact visuel, un sourire pour cacher ses vraies émotions, un discours bien préparé avec peu d’hésitations. Ils peuvent aussi se convaincre eux-mêmes de la « vérité » de leur mensonge. L’autotromperie réduit toute réaction émotionnelle.

Pour mon nouveau livre Lies, Lying and Liars : A Psychological Analysis, j’ai étudié de nombreux menteurs experts et la manière dont ils utilisent notre intuition contre nous. Par exemple, pour juger d’un mensonge, nous avons besoin d’un comportement de référence, qui nous permet de détecter tout écart.

Les experts en mensonge cherchent à perturber ce processus. L’un de mes informateurs (qui avait quelque chose à cacher) m’a dit que lorsqu’il avait été arrêté par la police, il avait fait semblant d’être très en colère et un peu instable pour les déstabiliser.

Et puis il y a la personnalité. Il est inutile de chercher des micro-expressions de culpabilité, de honte, de tristesse ou de peur si ce n’est pas ce que les menteurs ressentent à l’intérieur. Certaines personnes aiment mentir. C’est excitant, elles ne se soucient pas des conséquences. Dans ce cas, toute micro-expression sera positive.

Geoff Beattie, Professor of Psychology, Edge Hill University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

The Conversation

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