Un complément alimentaire censé prévenir la gueule de bois a fait son apparition début 2024 en pharmacie et sur le web. La revue médicale Prescrire et l’association de consommateurs Que Choisir y voient une promesse mensongère et une incitation à la consommation d’alcool

Baptisé « Alcoool », contraction d’ « alcool » et de « cool », la boisson « miracle » a un nom trompeur, comme en témoigne une chronique radio du médecin, chroniqueur et influenceur Jimmy Mohamed sur RTL : « (…) quoi qu’on en dise, l’alcool ce n’est pas cool, c’est toxique, il faut boire avec modération (…). (…) le nom (…) a tendance à en banaliser la consommation ».

Disponible via diverses plateformes de vente en ligne et dans « des milliers de pharmacies » à 6,90 € environ le flacon de 100 ml, cette boisson a été élaborée par Nonna Lab, « une entreprise française fondée par deux anciens étudiants d’école de commerce membres de la même équipe de rugby », selon un article de l’association de consommateurs Que Choisir.

Des plantes, vitamines et minéraux pour une beuverie sans conséquences ? 

Composée de chardon Marie, curcuma, poire nashi, figue de Barbarie, racine de ginseng asiatique, d’acides aminés, de vitamines (B & C) et minéraux (magnésium, sodium, calcium, potassium), la mixture est présumée agir contre les effets de la « veisalgie », désignation scientifique de la gueule de bois. Il suffirait de vider un flacon d’Alcoool avant de trinquer pour neutraliser les effets d’une soirée trop arrosée. Selon le fabricant, Alcoool « booste les fonctions hépatiques du foie, organe clé pour éliminer toxines et alcool ; aide à la bonne digestion ; favorise une bonne hydratation ; réduit la fatigue ».

Aucune preuve d’efficacité

« Notre ingrédient secret est la poire nashi qui booste la production d’enzymes hépatiques pour éliminer les toxines de l’alcool », indique le site du laboratoire. Le souci : « le site Internet du fabricant ne comporte aucune référence de publications scientifiques, mais seulement des avis d’utilisateurs », souligne la revue médicale Prescrire dans son numéro de mai .

Interrogé par Prescrire, Nona Lab n’a pas été en mesure d’envoyer de documentation pour appuyer ses allégations. Par ailleurs, la revue médicale n’a pas non plus trouvé d’essai clinique mené pour ce produit. Et « globalement les essais cliniques recensés avec la poire nashi, le ginseng ou la figue de Barbarie ne montrent pas de bénéfice probant », pointe la revue médicale indépendante. Difficile, donc de croire à une efficacité réelle. « En outre, pour alléguer un effet sur la santé, il faut se référer à un registre européen. On n’y trouve aucune trace de la poire nashi », note Que Choisir dans son article.

Un mauvais message vis-à-vis de l’alcool

Il est en revanche certain que « la consommation de grandes quantités d’alcool expose à des risques connus : conduites dangereuses, accidents, atteintes d’organes, rappellent les médecins. La promotion de produits alléguant un effet sur « la gueule de bois » incite à repousser les limites de la quantité d’alcool consommée, ce qui est contraire à la santé ».

Pour les médecins addictologues, l’existence d’un tel complément alimentaire est problématique. « Si on se projette comme ayant une solution à la gueule de bois, on risque d’abuser de l’alcool au lieu d’aménager sa consommation », souligne la Dr Géraldine Talbot, médecin addictologue et membre de la Fédération addiction, dans l’article de Que Choisir. En outre, l’alcool n’agit pas uniquement sur le foie. Il impacte d’autres organes, en particulier le cerveau, et représente la première cause de mortalité chez les 15-29 ans.

Un business « irresponsable » pour Prescrire

Prescrire dénonce « les abus commerciaux auxquels certaines firmes recourent en raison du manque de contrôle par les pouvoirs publics ». Que Choisir déplore la « communication extrême, voire inquiétante » sur les réseaux sociaux, principale source d’information des jeunes, et via des ambassadeurs étudiants. 

Face à ces risques, Prescrire souhaite une « réaction des autorités de santé et de sécurité alimentaire ». Pour l’heure, celles-ci restent silencieuses.

Florence Heimburger

Un marché des compléments alimentaires anti-gueule de bois visiblement porteur
D’autres fabricants proposent des « remèdes » à la « veisalgie » (nom scientifique de la gueule de bois), avec des noms plus ou moins inspirés : Rehab, Dionysos, Hydratis, Myrkl, Hang-Over, etc. Contrairement à Alcoool, ceux-ci sont généralement à prendre après la soirée arrosée. Si leur composition est relativement similaire, leurs messages véhiculés aussi, ils sont moins présents qu’Alcoool sur les réseaux sociaux, et impactent donc potentiellement moins les jeunes.

Gare à Sniffy aussi !
Alors que le complément alimentaire anti-gueule de bois Alcoool est critiqué, une autre polémique enfle actuellement : la vente libre sur Internet depuis le mois de mai de « Sniffy », une poudre blanche à inhaler par le nez avec une paille. Rappelant fortement le mode d’absorption de la cocaïne, elle inquiète les addictologues, confrontés à la progression de cette drogue.

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