Les chats auraient la singulière manie ou la malice d’aller vers des humains indifférents à leur présence voire franchement anti-félins. Qu’en est-il vraiment ? Pour démêler le vrai du faux, nous avons tenté de nous mettre dans la tête d’un chat, en compagnie de l’éthologue Jessica serra, spécialisée dans la cognition animale
Un chat est-il « maso » au point d’aller vers une personne qui manifeste ouvertement une aversion à son égard ?
Jessica Serra : « Non. Lorsqu’un humain étranger à la maison arrive en manifestant franchement son aversion pour le chat par des cris ou des gestes brutaux, il n’y a aucune chance qu’une interaction se produise. Parfois l’invité qui n’aime pas les félins dissimule son aversion en caressant ostensiblement et maladroitement le chat de la maison. Ce type de situation se produira une fois, pas deux…
Le chat a une excellente mémoire. S’il associe cet humain étranger avec une expérience négative, on ne l’y reprendra pas. En revanche si l’étranger se montre indifférent, cette attitude peut inciter le chat à s’approcher. »
Comment le chat perçoit-il un humain qui évite ostensiblement le contact ?
Jessica Serra : « Avec un chat, la règle de base c’est de ne pas forcer l’interaction. Elle se produit si le chat le désire et quand il le désire. C’est à lui d’initier le contact. L’invité qui n’aime pas les félins, mais qui cherche à être poli avec ses hôtes, ne va pas fixer le chat du regard ou chercher à le toucher.
Du point de vue du chat, ce type d’humain non envahissant ne représente pas une menace. S’il est d’humeur sociable, il peut décider de s’en approcher. D’autant que cet humain étranger amène avec lui de nouvelles odeurs très intéressantes. En se frottant à ses jambes, le chat l’intègre dans son univers olfactif. »
La personnalité du chat a-t-elle une incidence dans cette rencontre ou possibilité de rencontre ?
Jessica Serra : « Tout à fait ! Il en va du chat comme des humains. Nous naissons avec des traits de caractère que les expériences de vie modifient ensuite. Les chats aussi ont des histoires de vie. Certains peuvent avoir eu des expériences négatives avec des humains, quand d’autres n’auront connu que des expériences positives. C’est la raison pour laquelle tous les chats ne vont pas réagir de la même manière face à un humain étranger non menaçant.
Certains chats sont plus ou moins curieux, plus ou moins extravertis. Les chats sont capables de lire certaines de nos émotions, et préfèrent nous voir exprimer des sentiments positifs plutôt que négatifs. Même si la plupart des chats fuient la colère de leurs maîtres, nombre de propriétaires rapportent en revanche qu’en cas de stress ou d’anxiété, leur chat adapte ses comportements en se montrant plus présent, en ronronnant ou patounant. Il n’est donc pas exclu que des chats soient capables de percevoir le stress de l’invité. Ceci peut les inciter à solliciter une interaction sociale, voire à s’installer sur ses genoux en ronronnant pour le détendre… Et là, on n’est pas à l’abri que l’humain réticent, en raison de son inexpérience ou d’expériences précédentes négatives, trouve cela finalement très agréable. »
Propos recueillis
par Alexandrine Civard-Racinais
A lire :
- Jessica Serra, Dans la tête d’un chat, HumenSciences, 2020.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.