L’hydrogène est présenté comme une solution d’avenir, propre et décarbonée. Qu’en est-il vraiment ? Adrien Heinzelmeier, doctorant au Laboratoire d’étude des microstructures et de mécanique des matériaux et animateur des Fresques du climat, nous éclaire

L’hydrogène est-il une énergie propre ?

Adrien Heinzelmeier : L’hydrogène « vert », produit par électrolyse à partir d’eau, est encore extrêmement minoritaire. A l’heure actuelle, 95% de l’hydrogène est fabriqué à partir du méthane, un gaz naturel. Son bilan carbone est donc aussi mauvais que le gaz fossile dont il est issu. Sa fabrication pose aussi un dilemme. Soit elle implique l’utilisation d’énergies fossiles comme le méthane, et ça n’a aucun intérêt. Soit on apprend à le fabriquer à partir d’une électricité décarbonée, mais cela va se traduire par une surconsommation d’énergie électrique pour laquelle nous n’avons ni assez de centrales nucléaires, ni assez d’éoliennes.

L’hydrogène n’est pas une nouvelle source d’énergie. En revanche, il constitue un nouveau vecteur d’énergie. Il faut se le représenter comme une batterie électrique stockant temporairement l’électricité sous forme chimique.

Dans quels domaines l’hydrogène représente-t-il une réelle alternative ?

Adrien Heinzelmeier : Le volume d’hydrogène « vert », qui sera produit dans les années à venir devrait être utilisé en priorité pour décarboner la production d’acier, de méthanol, et d’ammoniac. Ces industries lourdes utilisent beaucoup de gaz et de charbon. L’hydrogène, utilisé comme réactif chimique, représente ici une super alternative. Dans le cas de l’acier, les fours dans lesquels on injecte du gaz fossile pourraient assez facilement être adaptés en vue d’une injection d’hydrogène. En quelques années, l’industrie de l’acier pourrait être décarbonée. L’hydrogène apporte là un vrai bénéfice !

Son utilisation peut aussi être pertinente pour décarboner les transports lourds. Je reviens de Bretagne ou l’on parle beaucoup de navires à hydrogène, car le maritime a du mal à passer à l’électrique ou à d’autres alternatives. Dans ces cas-là, l’hydrogène peut apparaître comme une solution. Mais ce n’est pas LA solution.

Recourir à l’hydrogène, lorsque c’est pertinent, est-il suffisant pour nous assurer un avenir meilleur ?  

Adrien Heinzelmeier : Un meilleur bilan carbone c’est bien, mais la réduction de nos émissions de carbone n’est pas le seul élément à prendre en compte dans le cadre de la transition écologique. Un chalutier fonctionnant à l’hydrogène, 100% propre et écolo, continuera à détruire les fonds marins et à vider les océans de ses poissons ! Résoudre un problème énergétique n’apporte pas automatiquement la solution à un problème écologique, au sens large.

Il faut arrêter de croire que l’hydrogène va nous permettre de faire tout ce que l’on faisait avec le pétrole, sans impact sur le climat ou les ressources naturelles. Le premier levier c’est la sobriété. On réalise encore mal que les fossiles fournissent la moitié de l’énergie consommée en France, et que cette énergie va nous manquer. Le recours à l’hydrogène ne change rien à ce constat. La « meilleure » solution ne sera pas technologique, mais le fruit d’un arbitrage en concertation avec de multiples experts et l’ensemble de la société.

Propos recueillis
par Alexandrine Civard-Racinais

Doctorant au LEM3, spécialiste du stockage de l’hydrogène, Adrien Heinzelmeier a été finaliste de l’édition 2023 du concours Ma Thèse en 180 secondes.

À savoir :

  • Sur terre, l’hydrogène est rarement présent à l’état pur. Il est toujours lié à d’autres atomes.
  • Pour séparer l’hydrogène des autres atomes, on investit de l’énergie dans une réaction chimique. On obtient alors une molécule de deux atomes d’hydrogène liés : le dihydrogène (H2). Quand on casse ensuite cette molécule H2, on récupère l’énergie investie au départ.
  • L’énergie contenue dans la liaison chimique du dihydrogène est concentrée et transportable. C’est un bon vecteur d’énergie. 

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