Ceux qui utilisent plutôt leur hémisphère gauche du cerveau seraient plus logiques et analytiques, tandis que ceux qui sollicitent davantage leur « cerveau droit » seraient plus créatifs, émotifs et intuitifs. En réalité, l’idée que certaines personnes utilisent plus un hémisphère cérébral que l’autre relève du mythe. Explications
Vous êtes créatif, émotif et bourré d’intuition ? Vous êtes « cerveau droit » ! Rationnel et méthodique ? Vous êtes « cerveau gauche » ! Cette représentation cloisonnée et latéralisée de notre fonctionnement cérébral, véhiculée par certains tests de magazines ou sites web de psychologie, remonte à plus d’un demi-siècle. C’est ce que l’on appelle un neuromythe.
Dans les années 1960, le neurobiologiste américain et prix Nobel (en 1981) Roger Sperry réalisa une série d’expériences sur des patients épileptiques dont les hémisphères cérébraux ne communiquaient plus entre eux à la suite d’interventions chirurgicales au niveau du corps calleux. Cet épais faisceau d’environ 250 millions de fibres nerveuses permet d’échanger et de coordonner sans cesse des informations entre les deux côtés de notre encéphale. Le scientifique découvrit ainsi que certaines capacités de notre cerveau étaient concentrées davantage dans l’hémisphère gauche et d’autres dans le droit. Par exemple, l’hémisphère gauche prend en charge les fonctions verbales et analytiques alors que l’hémisphère droit gère les tâches spatiales et la musique.
Ses travaux furent en partie déformés et exagérés, donnant naissance à des mythes selon lesquels chaque personne aurait un hémisphère dominant, en fonction de son tempérament plutôt rationnel ou émotionnel.
La plupart de nos aptitudes cognitives sont latéralisées
Grâce aux découvertes les plus récentes des neurosciences, nous pouvons affirmer que oui, presque toutes nos aptitudes cognitives sont « latéralisées », c’est-à-dire prises en charge d’un côté ou de l’autre de notre cerveau, ce qui nous évite de faire les tâches « en double ». Le cerveau aurait ainsi la possibilité de travailler sur plusieurs tâches en parallèle.
Les progrès en imagerie cérébrale ont notamment permis de regarder plus en détail quelles parties du cerveau s’activaient lorsqu’on exécute telle ou telle tâche. Ainsi, l’imagination fait surtout intervenir des réseaux de neurones situés dans l’hémisphère gauche. En revanche, l’hémisphère droit est crucial pour l’attention spatiale et doué pour les émotions.
Les deux hémisphères communiquent
Toutefois, les deux hémisphères cérébraux communiquent en permanence pour accomplir des tâches complexes, grâce aux connexions situées dans le corps calleux. Pour dessiner par exemple, on utilise nos deux hémisphères. Si vous êtes droitier, vous avez même doublement intérêt à pouvoir utiliser votre hémisphère gauche car c’est lui qui commande la main droite.
Des asymétries essentielles à notre survie
En collectant les données de toutes les publications d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) publiées à ce jour, le groupe d’imagerie neurofonctionnelle de l’Institut des maladies neurodégénératives à Bordeaux est parvenu à produire, pour la première fois, en 2022, une carte globale de l’architecture fonctionnelle des fonctions cognitives du cerveau. Les chercheurs ont découvert que ces fonctions sont organisées selon quatre grands axes : la communication symbolique (le langage oral, la communication écrite, etc.), largement sous-tendue par des zones de l’hémisphère gauche ; la perception et l’action (motricité, représentations visuelles, mouvements du regard), davantage prises en charge par l’hémisphère droit ; les émotions, encore plus concentrées à droite ; et enfin la prise de décision, qui serait plutôt dans le lobe frontal droit.
Ainsi, l’immense majorité de nos fonctions cognitives sont asymétriques. Ces asymétries auraient une cause profonde, vieille de plusieurs millions d’années : il s’agit d’une adaptation du cerveau pour réagir plus rapidement et efficacement dans les situations d’urgence.
Mais ce système ne fonctionne que parce que les deux hémisphères communiquent en permanence. C’est en ce sens que personne n’est « cerveau gauche » ou « cerveau droit ».
Florence Heimburger
Avec le soutien du ministère de la culture