Longtemps confinée aux para-sciences, l’intuition n’est étudiée que depuis peu. Le phénomène semble susciter un consensus entre psychologues et neuroscientifiques. L’intuition aurait quelque chose à voir avec notre mémoire et une forme d’inconscient
Tout le monde a connu ce moment exaspérant où l’on se rend compte que l’on a tranché pour le mauvais choix alors qu’une petite voix nous disait qu’il fallait faire l’autre. Cette petite voix, elle ressemble fort à une intuition. Qui ne nous trahit jamais. Mais existe-t-elle vraiment ?
Pendant longtemps, le sujet a fait l’objet d’un certain mépris scientifique. Surtout à cause d’un problème : « C’est difficile à étudier car la nature même du phénomène est difficile à saisir. C’est un flash instantané et il est imprévisible. » Hans Stuyck, doctorant à l’université libre de Bruxelles et à l’université catholique de Louvain (Belgique) s’est intéressé à ce qu’il appelle les « Aha moments ! », ces instants où l’on saisit une solution comme si une lampe venait de s’allumer dans le brouillard de notre esprit.
Pour la plupart des psychologues, cette intuition procède d’un fonctionnement automatique et inconscient de notre mémoire. En étudiant des joueurs d’échecs, des chercheurs ont montré que les débutants font appel à la zone du cerveau qui a trait à la mémoire à court-terme : ils analysent logiquement la situation. Les grands joueurs eux, utilisent la zone associée à la mémoire à long terme : ils puisent dans les milliards de combinaisons qu’ils ont mémorisées celle qui correspond à celle qu’ils doivent résoudre. Cette zone sert notamment à la reconnaissance des visages. C’est le principe de l’intuition : résoudre un problème sans passer par un raisonnement. Alors, logique ou analyse, faut-il choisir ?
L’intuition c’est l’art de résoudre les conflits
Pas forcément souligne Hans Stuyck : « Il faut travailler analytiquement pour avoir une intuition. L’intuition ne donne pas la solution mais le moyen de résoudre un problème. Il faut donc combiner les deux. » En fait, l’intuition permet juste de gagner du temps, de court-circuiter tout un processus d’essais-échecs qu’opérerait notre cerveau avant d’arriver au même résultat.
En outre, pour activer l’intuition, il faut selon lui qu’il y ait conflit dans notre cerveau entre l’idée dominante (l’évidence) et des concepts plus ténus (l’expérience qui nous donne des solutions identiques). Lorsque la première idée qui nous vient par analyse nous paraît faible, le cerveau poursuit sa tâche en arrière-plan jusqu’à ce que parfois surgisse une illumination.
Alors de là à penser que plus on vieillit plus on a d’intuitions, il n’y a qu’un pas. Et de fait, une de ses collègues travaille actuellement sur le sujet et ses résultats préliminaires tendent à montrer que c’est le cas. D’autant que plus on vieillit, plus il y a de conflits dans notre cerveau entre concepts dominants et concepts minoritaires, source des raccourcis que prend l’intuition.
Pas de connaissances, pas d’intuition
L’autre conclusion évidente : ne suivez pas vos intuitions dans un domaine que vous ne connaissez pas. En effet, votre « bibliothèque d’exemples passés » est vide et dans ces domaines là, votre intuition s’apparente à de la roulette russe. Les « intuitions de génie » des chercheurs (ah… Newton et sa pomme) ne sont qu’une accumulation de connaissances dans laquelle le cerveau trouve soudainement le bon chemin.
Reste qu’il y a une intuition qui semble fausse à tous les coups : celle de l’évidence de la fameuse « intuition féminine ». Pour Hans Stuyck « c’est du folklore ; Les études montrent qu’il n’y a pas de différences entre les hommes et les femmes. » Notre intuition était la bonne.
Jean Luc Eluard