Les jeunes et les moins jeunes expriment de plus en plus leur mal-être face à l’érosion de la biodiversité et aux changements climatiques. Cet état d’inquiétude porte un nom : l’éco-anxiété. Claire Galais, a consacré sa thèse de médecine générale à ce sujet. Elle décrypte pour nous cet état, source de souffrances, voire de pathologies chez certaines éco-anxieux
Claire Galais : « On me demande souvent si l’éco-anxiété est une maladie. D’emblée, je réponds NON. L’éco-anxiété n’est pas une pathologie, elle ne correspond pas aux critères de l’anxiété pathologique. C’est un état qui se traduit par des émotions diverses telles que la peur anticipatoire, une peur pour l’avenir de la planète et de l’humanité.
Bien sûr si, en raison de la peur ou de la tristesse qu’elle ressent, la personne concernée ne peut plus faire face à ses obligations quotidiennes, là on tombe dans la pathologie. Mais dans la grande majorité des cas, ceux que l’on appelle les éco-anxieux sont d’abord des individus qui développent une conscience aiguë des problèmes environnementaux et climatiques.
Une réaction adaptative, pas une pathologie
L’éco-anxiété s’apparente plutôt à une réaction adaptative dans un contexte d’inaction sociétale. Ce décalage est source de souffrance chez les éco-anxieux et peut conduire certains d’entre eux à développer des états pathologiques tels que des dépressions pouvant nécessiter une prescription de médicaments ou un accompagnement psychologique.
Mais l’éco-anxiété ne trouve pas forcément sa résolution dans le cabinet d’un médecin ou d’un psychologue. L’engagement dans l’action associative ou la réalisation de projets peut être une réponse appropriée. Pour certains cela va se traduire par une reconversion vers un métier plus en accord avec ses valeurs, la recherche d’un habitat écologique. Le passage à l’action est souvent bénéfique.
Éco-lucides plutôt qu’éco-anxieux
Pour ma part je préfère parler d’éco-lucidité plutôt que d’éco-anxiété. Eco-anxiété c’est connoté. Dans l’imaginaire collectif, l’anxieux développe une réponse disproportionnée face à une menace dérisoire. Dans le cas qui nous occupe, la menace n’est pas dérisoire. Elle est réelle, grave, complexe et sur le long terme. Et j’ignore quelle pourrait être la « bonne réaction » aux problèmes environnementaux et climatiques auxquels nous sommes confrontés.
En outre, être éco-lucide est aussi une chance individuelle et collective. La lucidité permet d’être créatif, d’adopter des comportements plus vertueux. Les éco-lucides sont des gens qui vont être porteurs de beaux projets et apporteurs de solutions.»
Propos recueillis
par Alexandrine Civard-Racinais
Claire Galais est auteure d’une thèse sur l’éco-anxiété et l’expérience psychologique des dérèglements environnementaux intitulée Vivre au temps des changements environnementaux globaux, soutenue en 2021 à l’université de Nantes.
A savoir :
- Le terme d’éco-anxiété apparaît pour la première fois en 1996 sous la plume de la chercheuse en santé publique Véronique Lepaige.
- L’éco-anxiété est définie par le philosophe australien Glenn Albrecht comme « un état d’inquiétude non spécifique lié aux implications du changement climatique sur soi, la planète, les autres » (Albrecht, 2011).
- L’Association américaine de pyschiatrie (APA) la considère comme une « peur chronique du désastre environnemental » (APA, 2017).
- D’après une étude réalisée sur 10 000 jeunes issus de 10 pays, elle touche aujourd’hui 60% des 16-25 ans (Hickman et al, 2021).
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