1 QUESTION A. On connaît le réseau énergétique français comme un réseau très centralisé avec des tarifs similaires sur tout le territoire. Mais à côté du réseau national, les collectivités territoriales pourraient créer des réseaux autonomes pour leurs propres territoires. Explication avec Louis de Fontenelle, enseignant-chercheur en droit public et spécialiste du droit de l’énergie à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour
« La question du blackout est d’actualité ces deux dernières années avec la pandémie de la Covid-19 et la guerre en Ukraine. Cela est lié à des questions de sécurité d’approvisionnement et de craintes en France et dans l’Union européenne que le système électrique ne puisse pas tenir. Ce système repose sur un principe simple : entre la production et la consommation d’électricité on doit atteindre un équilibre.
L’opinion a été frappée par le fait que ce système pourrait ne pas tenir. Et ce avec une grande communication du gouvernement sur la sobriété pour assurer la stabilité du système.
Aujourd’hui la stabilité du réseau ne dépend pas des collectivités territoriales. L’obligation de continuité du service est assurée par les gestionnaires du réseau de transport et de distribution en lien avec les producteurs et les fournisseurs d’énergie. Dans le cadre d’un système qui se recompose et qui intègre les énergies nouvelles comme les énergies renouvelables, les collectivités territoriales peuvent jouer un rôle pour la stabilité du système.
Entreprises locales de distribution ou régies
Les collectivités territoriales sont tout de même actuellement propriétaires du réseau de distribution et discutent avec le gestionnaire de la manière dont le réseau va être renforcé localement. Certaines d’entre elles (sur 5% du territoire français) gèrent d’ailleurs elles-mêmes le réseau : ce sont des entreprises locales de distribution ou des régies.
Elles pourraient jouer un rôle plus intense en créant des écosystèmes territoriaux. Les territoires prendraient en main leur destin énergétique en produisant de l’énergie, en la distribuant et en mettant en place des politiques de consommation qui favorisent la stabilité du système. Une sorte d’économie circulaire locale qui reposerait sur les territoires en couvrant l’ensemble de la chaîne de production et la politique de consommation.
Encourager les projets de productions d’énergies renouvelables
Cela est en train de se dessiner mais nous en sommes au tout début car la France est encore un système très centralisé. Pour l’heure, nous avons quelques régimes juridiques qui se dessinent avec par exemple les opérations de production d’énergie dans lesquelles investissent des collectivités territoriales. Et ce sur trois pans : production, distribution et consommation.
Sur la production, les collectivités peuvent encourager le développement de projets de productions d’énergies renouvelables sur leurs territoires. Elles peuvent elle-même initier des opérations d’autoconsommation collectives, voire même, demain de communautés d’énergie : en réunissant au sein d’une même personne morale des producteurs et des consommateurs au niveau local. Et elles sont en mesure de mettre en place des actions, des efforts et des visions politiques sur la façon de gérer leur réseau de distribution. Et évidemment, elles savent mettre en place des politiques de consommation qui visent à la sobriété et la maîtrise de l’énergie. »
Propos recueillis
par Alexandre Marsat
En collaboration commerciale avec l’ Université de Pau et des Pays de l’Adour et la Chaire Energy Justice & the Social Contract, à l’occasion du colloque scientifique sur les communautés d’énergie organisé les 29 et 30 novembre 2023 à l’hôtel de Région Nouvelle-Aquitaine par l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, sous la direction scientifique de Louis de Fontenelle, avec Sciences Po Bordeaux (chaire TRENT), l’ Université de Rennes (UMR IODE), l’ Université Grenoble Alpes (UMR Pacte), le CNRS, la Région Nouvelle-Aquitaine et R3-TESNA.