Initié en 2022, le programme de recherche participative Caparsy fait appel à des chercheurs et des usagers de l’eau pour mesurer via des capteurs les concentrations de nitrates dans les cours d’eau. Il vise à rendre ces données significatives à tous selon l’univers cognitif de chacun. Un projet qui s’inscrit dans le contexte d’une reconquête de la qualité de l’eau en Bretagne
En Bretagne, les algues vertes, nourries par des pratiques agricoles intensives, empoisonnent les côtes depuis des décennies. Le changement climatique amplifie le problème : les algues s’accumulent sur les plages et, en se décomposant, dégagent du sulfure d’hydrogène, un gaz qui peut s’avérer mortel en quelques minutes.
Pour Greenpeace, « si on veut arrêter les marées vertes, il faut diviser par trois le taux de nitrates dans l’eau pour le ramener à 10 mg/litre ».
Les capteurs à nitrates : un outil fiable, rapide et peu cher
C’est dans ce contexte qu’est né, en 2022, le programme Caparsy, une recherche participative et interdisciplinaire alliant hydrogéologues et sociologues des unités mixtes de recherche « Géosciences Rennes » et « Espaces et sociétés » (ESO) des universités de Rennes et Rennes 2. Il consiste à cartographier les taux de nitrates dans les cours d’eau bretons.
Véronique Van Tilbeurgh, enseignante-chercheure à l’ESO de Rennes, qui dirige le projet explique : « Notre objectif n’est pas de contrôler le monde agricole. Il est de fournir des capteurs de nitrates aux usagers intéressés : agriculteurs, techniciens de rivières, professionnels des lycées agricoles, élus, chercheurs, association, etc. Cet outil fiable (incertitude limitée à 10 %), rapide (résultat en une seconde) et peu onéreux (moins d’un euro) leur permet de suivre la qualité des cours d’eau, de comprendre comment se fait le ruissellement sur leurs parcelles, et, éventuellement, à trouver les causes de la pollution. »
Mieux comprendre les relations que les usagers entretiennent avec l’eau
Les mesures servent également aux chercheurs impliqués comme le précise Véronique Van Tilbeurgh, autrice d’une publication scientifique sur le sujet : « cet outil aide les hydrogéologues à mieux cerner les connections entre les eaux de surfaces et les eaux profondes. Il permet aux sociologues d’analyser la façon dont différentes connaissances (empiriques, scientifiques, juridiques, etc.) de milieux naturels s’articulent entre elles. Le projet étudie aussi la relation que les différents acteurs entretiennent avec les cours d’eau et les milieux naturels à travers le sens qu’ils donnent à la mesure et aux données collectées. Le capteur devient un objet de médiation entre le monde de la recherche et celui des usagers venant de divers horizons ».
Une cartographie des nitrates en Bretagne… et bientôt ailleurs en France ?
Le protocole consiste à plonger une bandelette colorimétrique durant une seconde dans le cours d’eau, puis à la photographier via une application téléchargeable sur un smartphone ; l’usager la transmet ensuite à une plateforme et obtient instantanément une lecture du taux de nitrates et sa représentation cartographique.
Ensuite, lors d’ateliers pédagogiques réunissant scientifiques et usagers, des spécialistes interprètent les mesures et donnent des conseils aux participants. D’autres ateliers vont être organisés sur quatre sites expérimentaux afin de présenter la démarche et le capteur à d’autres usagers : les bassins versants du Couesnon, du Semnon amont, du Scorff et à Rennes Métropole.
« Idéalement, il faudrait que le dispositif se diffuse à une plus grande échelle spatiale et temporelle », souhaite la sociologue. À terme, les données pourraient servir d’outil d’aide à la décision ou de suivi de changements de pratiques.
Florence Heimburger
Avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation