Octobre Rose et Movember nous rappellent que le cancer touche une femme sur trois et un homme sur deux. Cette maladie est la deuxième cause de mortalité dans les pays développés. Pour la contrer et développer des pistes thérapeutiques innovantes, les chercheurs s’inspirent du Vivant
Et si le prochain traitement révolutionnaire contre le cancer se trouvait dans la nature ? « Le Vivant est là depuis près de 4 milliards d’années. Il s’est adapté à toutes les situations possibles, rappelle le professeur Gilles Bœuf, président du Centre d’études & d’expertises en biomimétisme Ceebios. « Allons voir comment il fait ! », s’exclame-t-il.
La nature comme réservoir de solutions et d’innovations, tel est le pari du biomimétisme. Pari réussi dans le domaine médical, car « cette source d’inspiration a notamment joué un rôle déterminant dans la recherche sur le cancer. »
L’origine du cancer découvert grâce à l’observation des œufs de l’oursin
En observant le cycle cellulaire des œufs de l’oursin Arbacia punctulata, le biologiste britannique Tim Hunt a ainsi fait une découverte majeure. Lors des premières divisions de l’embryon « il va voir apparaître une protéine qui s’allume et s’éteint, une protéine qu’il appelle Cycline. Chaque fois qu’elle s’allume, cela déclenche une division cellulaire », relate Gilles Bœuf. La division cellulaire assure la croissance, le développement et le maintien de tous les organismes vivants. Mais lorsqu’elle devient anormale et incontrôlée, elle peut aussi favoriser l’installation de la pathologie cancéreuse.
Les travaux issus de l’observation de l’oursin ont valu à Tim Hunt le prix Nobel de médecine en 2001. Et ils ont ouvert la voie à une meilleure compréhension des mécanismes initiaux de la cancérisation, de la prévention et du diagnostic précoce de la maladie.
70% des médicaments anti-cancer sont issus de la nature ou inspirés par elle.
Source : IPBES
Empêcher la progression du cancer du sein grâce aux algues rouges
Le Vivant est aussi source de pistes thérapeutiques innovantes. La chercheuse Ingrid Arnaudin (CNRS LIENSs– La Rochelle Université), spécialiste en Biotechnologies thérapeutiques développe de nouvelles molécules naturelles contre le cancer à base d’algues brunes (Fucus Vesiculosus) et d’algues rouges (Chondrus Crispus). « Nos travaux ont démontré que les sucres marins produits de ces grandes algues avaient la capacité d’inhiber l’héparanase, une protéine clé impliquée à la fois dans la genèse et la dissémination de cette maladie » explique lngrid Arnaudin.
Des études pré-cliniques viennent de démarrer afin de confirmer l’efficacité biologique de ces molécules sur plusieurs modèles de cancer : le cancer du foie, le lymphome et le cancer du sein triple négatif. Avec l’espoir de disposer, à terme, de nouveaux médicaments anti-cancéreux bio-sourcés efficaces contre les formes les plus agressives.
Améliorer l’efficacité des traitements grâce aux pigments de diatomées
D’autres molécules naturelles ont pour effet de sensibiliser les cellules tumorales à la chimiothérapie. C’est le cas de la Fucoxanthine, un caroténoïde présent en abondance chez les diatomées. « Il s’agit d’un pigment lipidique, capable de tuer un grand nombre de cellules tumorales in vitro et de les sensibiliser aux effets des anti-cancéreux », expose le docteur Laurent Picot, maître de conférences en biochimie (CNRS LIENSs– La Rochelle Université). « La combinaison de Fucoxanthine et de Dacarbazine donne ainsi de meilleurs résultats que la dacarbazine seule pour tuer des cellules de mélanome humain (NDA : cancers de la peau) » précise-t-il. Un modèle d’étude de son équipe.
Les pigments d’algues ne sont pas les seuls à susciter l’enthousiasme des chercheurs qui explorent aussi les pigments de mollusques, de bactéries, ou d’archées (micro-organismes). Notamment pour trouver de nouvelles molécules phototoxiques utilisables en photothérapie des tumeurs. Le docteur Laurent Picot conclut : « Le Vivant est une source exceptionnelle de biodiversité et de chimiodiversité. Aussi est-il primordial de concevoir la biodiversité non comme une ressource, mais comme une source d’inspiration à valoriser durablement. »
Alexandrine Civard-Racinais