Aujourd’hui, en France, les animaux font partie intégrante du quotidien de nombreuses familles : on considère qu’un peu plus d’un foyer sur deux possèderait au moins un animal de compagnie (majoritairement chien ou chat), et que plus d’un tiers des enfants de moins de 18 ans grandissent auprès d’animaux, après les avoir bien souvent côtoyés dès leurs premières années de vie. Les animaux domestiques sont même souvent considérés comme des membres à part entière de la famille.
Longtemps, cette présence animale au sein du foyer a été considérée comme « banale » – rappelons que les premiers signes de domestication du chien remontent à plus de 30 000 ans – et ne revêtant pas un intérêt capital. Cependant, les choses ont commencé à changer au cours des dernières décennies : les recherches scientifiques nous ont en effet amené à repenser le rôle et la contribution que les animaux domestiques peuvent avoir sur l’humain, et en particulier sur les enfants.
Des effets sur la santé
En premier lieu, nous pouvons évoquer les effets sur la santé. Grandir avec un animal de compagnie, en particulier un chien, peut promouvoir l’activité physique des plus jeunes, et ainsi réduire les risques associés à la sédentarité et aux temps passé devant les écrans. Cela pourrait également permettre de réduire les risques de développement de problématiques d’allergie ou d’asthme.
Fait intéressant, dans une étude menée en 2020 pendant la pandémie de Covid-19, des chercheurs ont démontré que, là où la phase de confinement a eu des conséquences néfastes sur la qualité de sommeil des jeunes enfants, ceux ayant un animal de compagnie ne montraient pas ces perturbations. La présence d’un animal de compagnie dans le foyer aurait donc des effets protecteurs.
Enfin, un bienfait central est l’effet anxiolytique que l’animal peut avoir, puisque la présence d’un animal de compagnie, même inconnu de l’enfant, permet de diminuer son stress en cas de situation inquiétante, comme face à la perspective de devoir aller chez le dentiste. Cet effet anxiolytique se traduit par une baisse du rythme cardiaque et du niveau de cortisol – parfois appelée « hormone du stress ».
Par ailleurs, il a été démontré que le simple fait de regarder un chien dans les yeux déclenche chez l’humain la sécrétion d’ocytocine, une hormone impliquée dans de nombreux processus physiologiques, et en particulier dans le contrôle des émotions et les mécanismes d’interaction sociale.
Des bienfaits en matière de relations sociales
Les sphères sociale et émotionnelle constituent un second champ sur lequel la vie avec des animaux domestiques a des bienfaits notables. Dès les années 1980 et 1990, les chercheurs ont pu constater que les enfants grandissant dans une famille ayant un animal de compagnie acquièrent de meilleures compétences sociales. Les enfants vivant dans des foyers abritant un animal ont par exemple des capacités empathiques plus développées et font preuve de plus de comportements dits « prosociaux » (comportements d’aide, de soutien ou de réconfort envers autrui) que les autres.
Si l’animal a un tel impact sur le développement de l’enfant, c’est parce qu’il lui donne l’opportunité, au travers des interactions et des diverses situations qu’ils vivent ensemble, de tester certains comportementaux sociaux et certaines formes d’interactions. Cet état de fait permet à l’enfant d’entraîner et affiner progressivement ses façons d’interagir avec autrui. Il en viendrait ainsi à garder les bons gestes et les bonnes formes d’interaction, et à délaisser celles qui font fuir l’animal.
Dans leur relation avec leur animal de compagnie, les enfants peuvent développer un lien émotionnel fort. L’animal domestique peut devenir une figure d’attachement, un partenaire non jugeant, un confident. Il est par ailleurs souvent identifié par la plupart des enfants de 5 ans comme l’une des figures les plus importantes de leur entourage. Or, plus le lien avec ce dernier est fort, plus les bénéfices en découlant sont importants.
Amélioration du bien-être et de l’estime de soi
Avoir un animal serait promoteur de bien-être et d’estime de soi chez les enfants, et aurait aussi des effets protecteurs, par exemple, contre la dépression et la solitude.
Dans une étude menée elle aussi durant les confinements liés à la pandémie de Covid-19, des chercheurs ont ainsi observé que 65 % des parents ayant un animal de compagnie chez eux affirment que ledit animal a eu des effets bénéfiques sur leur enfant durant cette période, qu’il constitue une source de distraction, permet de réduire son sentiment de solitude ou encore allège son stress ou son anxiété.
Toutefois, comme mentionné précédemment, les bienfaits observés découlent avant tout de la qualité de la relation et de la force de l’attachement développé entre l’enfant et l’animal plutôt que du simple fait d’avoir un animal et de le côtoyer.
De meilleurs apprentissages
Les effets sur la santé et la sphère socioémotionnelle ont été les plus étudiés. Toutefois, des travaux suggèrent également que la présence d’un animal au sein du foyer peut aussi être une source d’apprentissage pour l’enfant.
Outre le fait que cette présence peut lui permettre d’appréhender certains concepts comme ceux liés aux cycles de la vie (naissance, enfance, reproduction, décès), grandir avec un animal l’amène à se soucier des besoins d’un autre et à expérimenter une inversion des rôles où il devient la personne qui prend soin d’autrui. In fine, cela l’aiderait à développer son autonomie.
Ces apports pourraient également s’étendre à d’autres éléments en matière d’apprentissage. En effet, certains chercheurs avancent que l’animal pourrait constituer une source de motivation à l’apprentissage du langage – pour communiquer avec lui et transmettre des commandes. De plus, la présence de l’animal lors des apprentissages pourrait non seulement aider l’enfant à se concentrer, mais aussi l’apaiser, améliorant ainsi ses performances.
Une nouvelle forme de médiation a récemment été développée pour tirer parti de cet effet : la lecture au chien, qui consiste à ce que l’enfant lise à haute une histoire en s’adressant au chien. La présence apaisante, non jugeante et motivante du chien permettrait ici de faciliter l’apprentissage de la lecture chez de jeunes enfants apprenants ou rencontrant des difficultés. Ceci contribue d’ailleurs au développement de la présence animalière, et notamment des chiens, dans les établissements scolaires.
Enfin, la dernière sphère de bienfaits des animaux domestiques ne concerne pas simplement l’enfant, mais l’ensemble du foyer.
Des bénéfices pour l’ensemble de la famille
Comme évoqué précédemment, l’animal de compagnie devient bien souvent un membre à part entière de la famille. Au même titre que ces autres membres, il pourra donc avoir une incidence sur les interactions et relations au sein de celle-ci. Non seulement sa présence encourage les moments de vie communs, mais elle a aussi un effet dit de « catalyseur social » : l’animal vient motiver et faciliter les interactions positives entre les humains.
Plus généralement, il est fréquemment observé que les familles possédant un animal montrent un meilleur fonctionnement familial : ils font preuve d’une meilleure adaptabilité (capacité à changer les règles, les rôles selon la situation) et d’une plus forte cohésion (liens émotionnels entre les membres)
Santé, bien-être, développement social et émotionnel, apprentissages… Grandir auprès d’un animal peut donc être source de nombreux bienfaits. Par ailleurs, ses effets pourront également rayonner sur l’ensemble de la famille.
Il faut cependant souligner que tous les enfants ne développent pas une relation privilégiée avec leur animal de compagnie. En outre, cette relation peut évoluer au fil du temps. Par ailleurs, certains enfants ont peu d’attrait pour les animaux, ou préfèrent certaines espèces plutôt que d’autres.
Avant d’accueillir un animal au sein de son propre foyer dans la perspective de faire bénéficier son enfant de sa présence, il est donc important d’évaluer correctement son envie. Les bienfaits liés à ce nouveau venu dépendront en effet avant tout de la relation et l’attachement que l’enfant tissera avec lui.
Marine Grandgeorge, Ethologie, Relation Homme – Animal, Médiation Animale, Développement typique et atypique, Université de Rennes 1 – Université de Rennes et Nicolas Dollion, Maitre de conférences Psychologie du développement – chercheur au laboratoire C2S (EA 6391), Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.