La péninsule du Bas-Médoc est particulièrement vulnérable à l’érosion marine : le trait de côte recule de plusieurs mètres par an. Et les vestiges du passé sont submergés. Pour reconstruire la mémoire et les évolutions du trait de côte en Bas-Médoc, sensibiliser le grand public à l’érosion de nos patrimoines naturels et culturels littoraux, l’Université de Bordeaux et le CNRS avec la participation de l’Observatoire de la côte de Nouvelle-Aquitaine ont lancé un projet de sciences participatives. Il consiste, pour les citoyens, à transmettre leurs images de ce bout de littoral
Symbole de l’érosion côtière, l’immeuble Le Signal à Soulac-sur-Mer, au bord de l’océan Atlantique en Gironde, a été démoli le 3 février 2023. Le même jour, à Lacanau, à 70 kilomètres au sud, débutait une opération d’enrochement pour protéger la ville de l’érosion.
Dans le Médoc, l’érosion chronique fait reculer inexorablement les dunes et la lutte semble perdue d’avance. Afin de sensibiliser la population à l’érosion de nos patrimoines naturels et culturels littoraux, la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires (MITI) du Centre national de recherche scientifique (CNRS) a soutenu le projet de sciences participatives ICONOPASTT*, qui vise à reconstruire la mémoire du trait de côte en Bas-Médoc, où se trouvent notamment différents sites archéologiques.
Transformer une mémoire géologique et archéologique en une mémoire citoyenne
Frédérique Eynaud, enseignante-chercheuse au laboratoire Environnements et paléoenvironnements océaniques et continentaux (EPOC) de l’Université de Bordeaux à Pessac explique : « L’objectif est de collecter des observations issues de collections citoyennes (photos, cartes postales, gravures, tableaux, etc.), témoins de l’état des plages ou de découvertes à intérêt archéologique sur les deux derniers siècles. Pour déposer leur contribution, c’est facile : les citoyens doivent s’inscrire, déposer leur document daté et positionner son point géographique. Un petit pas pour eux, un grand pas pour la science : ces travaux visent à retracer collectivement l’évolution du littoral du Bas-Médoc, à documenter les zones à risque dans un contexte d’accélération de la montée du niveau marin. De cette mémoire géomorphologique ou archéologique peu lisible pour les non-spécialistes, nous souhaitons passer à une mémoire citoyenne, accessible à tous et construite par tous. »
Plus de 800 images collectées
Depuis le lancement du projet, en 2022, les contributeurs ont d’ores et déjà déposé sur le site dédié d’Iconopastt plus de 800 documents iconographiques datant du XIXe siècle à nos jours, montrant la côte atlantique entre Montalivet et l’estuaire de la Gironde. Le centre de données de services de l’Observatoire aquitain des sciences de l’univers (OASU) héberge ces données sous forme de banque d’images.
Conjointement, « via l’Observatoire de la côte de Nouvelle-Aquitaine (OCNA) et avec la Communauté des communes Médoc Atlantique, nous réalisons des suivis réguliers des évolutions du littoral et avons déployées des caméras pour suivre la bande côtière entre Soulac-sur-Mer et le Verdon-sur-Mer », explique Alexandre Nicolae Lerma, ingénieur-chercheur en géomorphologie et hydrodynamique littorale du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).
Un recul du trait de côte « monumental »
Que révèlent les documents collectés pour l’heure ? Frédérique Eynaud précise : « L’érosion du littoral n’est pas un phénomène nouveau et les communautés littorales ont dû s’adapter en changeant d’économie de subsistance, en se retirant, en aménageant le territoire, etc. Mais depuis un siècle, le réchauffement climatique s’accélère. Les documents recueillis montrent clairement que le recul du trait de côte est…monumental. Parfois, nous avons accès à des vestiges datant du néolithique jusqu’à l’époque gallo-romaine, des vestiges en cours de submersion ou de dégradation lorsqu’ils sont découverts lors des tempêtes. Or, ils constituent des témoins exceptionnels de la résilience des territoires et des sociétés anciennes pour lesquels il convient de se mobiliser afin d’en conserver la mémoire. D’ici 2100, le niveau de la mer pourrait s’élever d’un mètre. Cela bouleversera les paysages et le Bas-Médoc pourrait devenir… une île ! Les polders et digues ne feront que retarder l’échéance. »
Les deux chercheurs lancent un appel à contribution. Avis aux habitants du Bas-Médoc !
*ICONOPASTT est l’acronyme d’ « Une iconographie participative pour reconstruire la mémoire du trait de côte en Bas-Médoc ».
Florence Heimburger
Avec le soutien du Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation