Quand les parents se séparent, quelles en sont les conséquences sur les enfants, notamment sur leur niveau de vie ? Baisse-t-il ? De combien ? Sa diminution est-elle similaire quand ils vivent avec leur mère seule ou leur père seul ? S’ils sont en résidence alternée ? S’il y a remise en couple du parent gardien?

Pour mesurer le risque pour un enfant de tomber dans la pauvreté quand ses parents se séparent, nous avons utilisé une source de données originale élaborée par l’Insee, l’« Échantillon démographique permanent ». Celle-ci nous a permis de suivre la situation économique d’un échantillon de plus de 750 000 enfants sur plusieurs années, dont 36 000 ont connu une rupture parentale (observation jusqu’à 7 ans avant et après la séparation).

En France, de façon générale, un enfant sur cinq (21 % en 2019) vit sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau de vie médian. Le revenu médian étant le montant de revenu qui divise une population en deux groupes égaux, la moitié ayant un revenu supérieur à ce montant et l’autre moitié ayant un revenu inférieur à ce montant.

Ceux dont les parents sont séparés sont plus fréquemment pauvres que les autres. Si leur entrée dans la pauvreté est parfois antérieure à la rupture conjugale, elle en est souvent la conséquence. Le taux de pauvreté des enfants l’année de la séparation est bien plus élevé que celui des enfants vivant avec leurs deux parents. Et l’écart reste marqué les années suivantes.

Un pic de pauvreté juste après la séparation

Environ 4 % des enfants vivant avec leurs deux parents entrent en pauvreté chaque année. Ils sont cinq fois plus nombreux (21 %) l’année de la séparation parentale. La grande majorité (près des trois quarts) des enfants déjà pauvres le restent l’année de la séparation. Cette permanence de la pauvreté est observable, qu’il y ait eu ou non séparation parentale.

Au final, le taux de pauvreté est bien plus élevé pour les enfants dont les parents viennent de se séparer que pour les enfants vivant avec leurs deux parents (29 % contre 13 %). Cinq ans après la rupture, ce taux est toujours supérieur (23 %). Le surplus de pauvreté élevé tient majoritairement à des entrées en pauvreté suite à la séparation et, dans une moindre mesure, au fait que les enfants dont les parents se séparent appartiennent plus souvent que les autres à des ménages déjà pauvres.

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Plus les enfants sont jeunes, plus le risque de pauvreté est important

Le taux de pauvreté varie selon l’âge de l’enfant au moment de la séparation parentale. Ainsi, plus l’enfant connaît la séparation de ses parents à un âge jeune, plus le risque de pauvreté est important. Plus de 35 % des enfants de deux ans dont les parents viennent de se séparer sont pauvres, contre 22 % des enfants de 13 ans.

Le supplément de pauvreté des enfants au moment de la séparation parentale – de l’ordre de 17 points de pourcentage pour l’ensemble des enfants mineurs – existe quel que soit le statut marital des parents mariés, pacsés ou cohabitants (sans être mariés ni pacsés). Ce supplément est un peu plus élevé pour les enfants de parents non mariés que ceux de parents mariés, mais les enfants de couples cohabitants sont déjà plus pauvres avant la séparation. Le taux de pauvreté est bien moindre pour les enfants dont les parents étaient pacsés, en moyenne plus aisés.

Taux de pauvreté des enfants selon le statut marital des parents avant la séparation, et supplément lié à la séparation
Taux de pauvreté des enfants selon le statut marital des parents avant la séparation, et supplément lié à la séparation. Carole Bonnet et Anne Solaz, Population & Sociétés, n° 610

Les enfants dont les parents se séparent connaissent une baisse conséquente de leur niveau de vie, de l’ordre de 15 % l’année de la séparation, et 10 % l’année suivante, par rapport à l’année précédant la séparation. Puis se met en place un rattrapage progressif caractérisé par une croissance du niveau de vie.

Toutefois, cinq ans après la séparation, le niveau de vie moyen des enfants reste toujours inférieur de plus de 5 % à celui observé avant la séparation. La baisse de niveau de vie est donc durable.

Mère seule : les enfants les plus pauvres

Lorsque l’enfant réside fiscalement principalement avec la mère, la baisse de niveau de vie est importante, de l’ordre de 24 % l’année de la séparation, tandis qu’elle est moitié moindre quand l’enfant réside fiscalement avec le père.

En résidence alternée, les enfants connaissent une baisse de niveau de vie de l’ordre de 10 % par rapport à leur niveau de vie antérieur à la rupture (moyenne des deux niveaux de vie observés dans les deux ménages). Toutefois, comme les parents optant pour ce mode de résidence sont en moyenne plus aisés avant la séparation, leurs enfants ont un moindre risque d’entrée en pauvreté que les enfants résidant principalement chez la mère.

Niveau de vie des enfants autour de la séparation, selon le mode de résidence principal après la séparation
Niveau de vie des enfants autour de la séparation, selon le mode de résidence principal après la séparation. Carole Bonnet et Anne Solaz, Population & Sociétés, n° 610

Le rattrapage de niveau de vie est progressif dans les années qui suivent la rupture. La remise en couple du parent gardien permet d’atténuer fortement la diminution de niveau de vie des enfants, que l’enfant vive avec sa mère et son beau-père, ou avec son père et sa belle-mère.

Pauvre chez un parent mais pas chez l’autre ?

Parmi les enfants en résidence alternée, 6 % sont pauvres dans les deux ménages tandis que 24 % sont pauvres dans un seul des ménages, nettement plus souvent chez la mère (15 %) que chez le père (9 %) ; et 70 % des enfants ne sont pauvres dans aucun des deux ménages.

Qu’ils soient pauvres ou pas, les enfants multi-résidents peuvent faire l’expérience d’écarts de niveaux de vie considérables entre le logement du premier et du second parent. Ainsi, si l’année de la séparation près d’un enfant sur 5 (16 %) connaît des niveaux de vie quasi similaires chez ses deux parents (moins de 10 % d’écart), 4 enfants sur 10 vivent la moitié du temps avec un parent qui a un niveau de vie supérieur de plus de 50 % à celui de l’autre.

Moins de vacances et de copains à la maison

En pratique, les enfants ont moins accès à certaines ressources après la séparation parentale qu’avant. La part d’enfants dont le ménage a les moyens financiers de partir en vacances en dehors de chez soi au moins une semaine par an diminue ainsi de 10 points de pourcentage entre l’année de la séparation et celle qui suit.

Niveau de vie des enfants autour de la séparation, selon le mode de résidence principal après la séparation
Niveau de vie des enfants autour de la séparation, selon le mode de résidence principal après la séparation. Carole Bonnet et Anne Solaz, Population & Sociétés, n° 610

Recevoir des amis à domicile est plus rare dans les quatre années suivant la séparation, sans doute en lien avec la taille réduite du logement et la rupture de certains réseaux amicaux. Les possibilités pour le ménage de faire face à une dépense imprévue, d’offrir des cadeaux, de changer les meubles usagés, ou de disposer d’une voiture sont également moindres, et cela perdure dans les années qui suivent la séparation.

Les conditions de vie des enfants sont donc dégradées à bien des égards après une rupture parentale. On note cependant une nette amélioration lorsqu’il y a remise en couple du parent chez lequel vit l’enfant.


Ce texte est adapté d’un article publié par Carole Bonnet et Anne Solaz dans Population & Sociétés n° 610, 2023 «Séparation des parents : un risque accru de pauvreté pour les enfants ?»

Anne Solaz, Directrice de recherche, Institut National d’Études Démographiques (INED) et Carole Bonnet, Directrice de recherche, Institut National d’Études Démographiques (INED)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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