Si le premier club de rugby a été créé en 1872 au Havre, le Sud-Ouest a vite écrasé la moitié Nord de la France pour devenir la patrie du rugby en France. Explications
On a beau vouloir se la jouer fair-play, voir un club parisien champion de France, franchement, ça ne passe pas dans le Sud-Ouest. Au foot, encore… mais au rugby, non !
Parce que le rugby, c’est du Sud, surtout du Sud-Ouest. Sauf que le premier club créé en France le fut au Havre, en 1872, ville portuaire proche de l’Angleterre où les nombreux marchands et étudiants britanniques voulaient faire comme chez eux.
Le premier championnat de France, en 1892, voit s’affronter deux clubs … parisiens. Parce qu’à Paris, déjà, on copiait le chic « sportsman anglais ». Les premiers clubs en région seront le Stade Bordelais (ah !) et I’Association Athlétique Alsacienne (hein ! ?).
Conflit entre patronages laïques et catholiques
Eh bien, oui, au départ, rien ne prédisposait le Sud-Ouest à être plus rugby qu’une autre région, malgré l’influence d’hommes d’affaires comme l’Écossais J.J. Shearer à Bordeaux et le Gallois Owen Roe, qui introduit le rugby à Bayonne via le club d’aviron (d’où l’incongruité de voir le club de rugby s’appeler l’Aviron Bayonnais).
En fait, il n’y a pas une seule raison pour expliquer la « sudouestisation » du rugby.
Mais I’une des principales tient à la lutte à laquelle se livrent alors les patronages laïques et catholiques. Dans ces derniers, on favorise le basket et le foot, sports plus décents où l’on ne se tripote pas à pleines mains. Par opposition, les laïques favorisent clairement le rugby et, comme le Sud-Ouest est majoritairement laïcard, son implantation est plus nette qu’ailleurs.
En outre, les possibilités infinies de castagnes qu’il offre correspondent bien à l’esprit de clocher d’une région où la rivalité entre villages, vallées et hameaux est plus forte qu’ailleurs.
400 clubs entre Bordeaux et Montpellier
Dès les années 1920, le schéma est en place : il existe près de 400 clubs sur une ligne Montpellier-Bordeaux, contre 11 en Haute et Basse-Normandie.
Et l’amateurisme affirmé des clubs (même s’il n’est pas aussi pur qu’il y paraît) renforce la tendance : les frais de déplacement sont trop élevés pour que les clubs des régions non rugbystiques viennent se frotter à ceux du Sud, ce qui les fait végéter à un niveau très bas.
De fait, le centre géographique de l’élite des clubs n’a que peu bougé, il navigue depuis cinquante ans entre l’Aveyron et le Lot. La professionnalisation n’y change pas grand-chose : en 1950, la distance moyenne entre les meilleurs clubs était de 215 kilomètres, elle est passée en 2000 à 238 kilomètres.
Et ça ne semble pas vouloir bouger, à moins que des Qataris ne s’intéressent soudain à Armentières…
Jean-Luc Eluard