Afin de lutter contre le décrochage scolaire, la constitution de binômes entre un élève qui est à l’aise à l’école et un autre qui l’est moins est une option intéressante. Mais il est nécessaire de limiter le plus possible les effets de comparaison qui peuvent amener l’élève le plus en difficulté à se dévaloriser, explique Sébastien Goudeau, maitre de conférences au Centre de recherches sur la cognition et l’apprentissage (Cerca) et enseignant à l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (INSPE) de Niort
Et si l’une des solutions permettant de faire face à l’échec scolaire était de former des binômes entre élèves ? Il est par exemple possible de demander à un élève qui vient de finir son travail d’aller aider l’un de ses camarades. Ou encore de mettre en place une situation de coopération pour résoudre une tâche. Les élèves qui ont de bons résultats peuvent ainsi faire profiter de leurs connaissances et de leurs méthodes de travail à ceux qui sont en situation d’échec. Plusieurs études montrent que cette méthode porte ses fruits dans certains domaines, comme par exemple pour l’apprentissage de la lecture.
Une comparaison sociale dévalorisante
« Les recherches montrent que les contextes de coopération entre élèves présentent des bénéfices pour les apprentissages », souligne Sébastien Goudeau, maitre de conférences au Centre de recherches sur la cognition et l’apprentissage (Cerca) et enseignant à l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (INSPE) de Niort.
Toutefois, pour que la coopération soit bénéfique, il est nécessaire que plusieurs conditions soient réunies. Parmi ces conditions, il est nécessaire que l’élève qui reçoit de l’aide ne se perçoive pas comme moins intelligent que les autres. Sinon, cette situation pourrait potentiellement avoir des effets négatifs, avertit le chercheur : « ce type de situation crée un phénomène de comparaison sociale qui peut amener l’élève en difficulté à se dévaloriser et à se percevoir comme étant moins intelligent que son camarade. Or il faut au contraire que l’élève puisse se dire qu’il peut y arriver lui aussi ».
Selon le chercheur, avant de mettre en place ces binômes il faut donc préalablement prendre le temps d’expliquer aux élèves que la réussite ou l’échec en classe n’est pas uniquement lié à l’intelligence, mais aussi à une multitude d’autres facteurs. « Le contexte social joue beaucoup. Si l’enfant vient d’un milieu favorisé, ou que ses parents l’aident dans ses devoirs, alors cela va lui permettre de mieux réussir à l’école ». D’après les statistiques fournies par l’Insee, la France est en effet l’un des pays de l’OCDE où les écarts de réussite scolaire sont les plus grands suivant que l’élève soit issu ou non d’un milieu favorisé. L’écart de score moyen en compréhension de l’écrit entre les élèves de 15 ans issus de milieux aisés et défavorisés atteignait 107 points en France en 2018. L’écart moyen observé dans les pays de l’OCDE était quant à lui de 89 points.
Bénéfice partagé
Pour Sébastien Goudeau, le fait de déconstruire l’idée selon laquelle la réussite est uniquement une affaire d’intelligence servira probablement aux deux élèves à un moment de leur parcours. Car l’élève en réussite peut très bien se trouver un jour lui aussi dans une situation d’échec : « on observe souvent cela à l’entrée en classes préparatoires aux grandes écoles. Des élèves qui étaient très à l’aise au lycée se retrouvent bien plus en difficulté ». L’expérience du binôme qu’il a formé par le passé lui sera alors probablement bénéfique pour surmonter cet obstacle.
Thomas Allard
Avec le soutien du Ministère de la Culture