Certaines technologies peuvent nous aider à limiter nos émissions de GES. Mais il est vain, voire dangereux, de penser que le « solutionnisme technologique » nous sauvera

La croyance en la toute puissance de la technologie porte un nom : le « solutionnisme technologique ». Développé par l’essayiste Evgeny Morozov, le solutionnisme technologique consiste à croire que tous les maux qui nous affectent, notamment ceux liés aux bouleversements climatiques en cours, peuvent être résolus par l’innovation technologique.

Pas de remède indolore

De fait, certaines technologies de géo-ingénierie* font partie des options destinées à atténuer le changement climatique recensées par le GIEC dans son 6ème rapport (avril 2022). C’est le cas des dispositifs de captage** direct du CO2 dans l’air (DAC) à la sortie des installations industrielles, ou des centrales à biomasses avec captage et stockage du dioxyde de carbone (BECSC) qui contribuent à l’élimination d’une partie du CO2 présent dans l’atmosphère.

Si de telles options sont « nécessaires pour atteindre les objectifs de neutralité carbone », elles ne constituent pas une alternative à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). En outre, aucune d’entre elles n’est indolore. Le déploiement à grande échelle du BECCS pourrait ainsi aggraver la concurrence entre les différents usages des terres, l’accès à l’eau et à d’autres ressources, avec des répercussions négatives sur les écosystèmes, la biodiversité et la sécurité alimentaire.

La géo-ingénierie solaire contestée

D’autres techniques de géo-ingénierie sont très controversées, voire fortement contestées par une partie de la communauté scientifique internationale. Tel est le cas de la géo-ingénierie solaire, ensemble de technologies visant à réfléchir le rayonnement solaire dans l’espace pour limiter le réchauffement climatique, notamment en injectant des milliards de particules de dioxyde de soufre dans la couche supérieure de l’atmosphère.

Depuis janvier 2022, plus de 370 scientifiques issus d’une cinquantaine de pays ont signé une lettre ouverte demandant un accord international de non utilisation de la géo-ingénierie solaire. Ce, en raison d’effets secondaires  encore mal connus, mais potentiellement désastreux, et d’absence de mécanismes de contrôle internationaux démocratiques efficaces.

Un frein aux transformations nécessaires

Attention aussi, soulignent d’autres chercheurs à ne pas nous tromper de priorité. « Seules des réductions immédiates et rapides des émissions de gaz à effet de serre sont à même de nous mettre sur la bonne trajectoire » insistait récemment Céline Guivarch, co-autrice du dernier rapport du GIEC, au micro de BLAST. « Il y a urgence à agir » et à opérer les changements radicaux indispensables à l’échelle de nos sociétés pour faire face à l’ampleur des bouleversements climatiques.  « Plus on attend pour agir, plus cela devient difficile et couteux d’atteindre le même objectif ».

Or, selon une étude publiée en juin 2020 dans la revue britannique Global Sustainability, l’« optimisme technologique » fait partie des quatre grandes familles de discours ayant pour effet de retarder les actions en matière de lutte contre le changement climatique. Non seulement la croyance béate en la technologie ne résout rien, mais elle nous fait perdre de l’argent et un temps précieux.

Notes :

* La géo-ingénierie regroupe les techniques visant à agir directement sur le climat pour corriger les conséquences du réchauffement climatique. Elles se divisent en deux grandes catégories : la gestion du rayonnement solaire et le retrait du CO2 de l’atmosphère. 

** Les projets de captage et stockage (CCS) du carbone  connaissent une accélération en Europe. Lire l’étude de l’étude de l’IFRI à ce sujet.

Alexandrine Civard-Racinais

Avec le soutien du ministère de la Culture

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