Lancé en septembre par l’Inrae en collaboration avec l’AP-HP et l’appui d’une dizaine de partenaires privés, le projet « Le French Gut » entend percer les mystères du microbiote intestinal en analysant les selles de 100 000 volontaires. Objectif : le cartographier, identifier ses changements associés à des maladies chroniques, ouvrir la voie à des thérapies innovantes et une nutrition préventive personnalisée. Explications
En moins de cinquante ans, l’intestin et sa flore sont passés de sujet tabou à « deuxième cerveau » du corps humain. Et pour cause, notre microbiote intestinal, cet écosystème peuplé de 100 000 milliards de bactéries et autres micro-organismes (virus, parasites et champignons…), pesant entre 1 et 2 kilos, est, on le sait désormais, déterminant pour notre santé.
On sait aussi qu’il diffère grandement d’un individu à l’autre. Et qu’« il joue un rôle important dans les fonctions digestives, métaboliques, immunitaires et neurologiques. Son altération est une explication a de nombreuses pathologies, comme l’obésité, le diabète, la maladie de Crohn ou certains cancers » comme l’a rappelé, dans un article du quotidien national La Croix, Thomas Lombès. Ce dernier est le directeur général délégué à la stratégie de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l’une des quatre institutions publiques impliquées dans le projet « Le French Gut »*. Un projet porté par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), avec l’appui d’une dizaine de partenaires privés.
Une base de données sur le microbiote intestinal
Mais les scientifiques ont encore beaucoup de choses à découvrir et apprendre sur le microbiote intestinal et son fonctionnement, notamment : quel rôle l’alimentation, la pollution, le stress ou les antibiotiques jouent-ils précisément sur ce monde intérieur ? Dans quelle mesure peut-on agir sur sa composition pour prévenir l’apparition de certaines maladies ?
C’est pourquoi, l’Inrae a lancé en septembre dernier « Le French Gut », projet qui prévoit de récolter, séquencer et analyser le microbiote de 100 000 Français. Ce projet s’inscrit dans un vaste programme international « Million Microbiome of Humans Project », dont l’unité MetaGenoPolis/Inrae est membre fondateur, visant à constituer une base de données mondiale sur les microbiotes (buccal, cutané..).
En France, le recrutement de volontaires via un site spécifique pour recueillir 3000 échantillons pour la première phase pilote de Le French Gut est désormais clos mais reprendra plus tard.
Bientôt des transplantations fécales pour soigner ?
Ce projet ambitieux qui devrait durer cinq ans vise à mieux comprendre l’hétérogénéité des microbiotes intestinaux sains français. Les facteurs qui les impactent positivement ou négativement comme les activités sportives, tabagisme, habitudes alimentaires, traitements médicaux sont aussi étudiés. Mais aussi leurs déviations dans les maladies chroniques (diabète, cancers, maladies inflammatoires chroniques intestinales…), troubles neuro-développementaux (troubles du spectre autistique, bipolarité…) et maladies neurodégénératives (maladie de Parkinson).
Ce projet laisse donc entrevoir de belles perspectives thérapeutiques. D’ailleurs, pour la première fois au monde, une entreprise australienne, BiomeBank, vient d’annoncer qu’elle a reçu le feu vert réglementaire pour effectuer des greffes de selles. Ceci afin de combattre une infection intestinale potentiellement mortelle : celle par la bactérie Clostridioides difficile, qui provoque de graves diarrhées et des inflammations du système digestif.
Ce type d’approche pourrait s’étendre à d’autres pathologies : cancers, obésité, autisme… Êtes-vous prêts pour l’arrivée des « médicacaments » ? En tout cas, la révolution de l’intestin (et de ce qui en sort) est en marche !
Florence Heimburger
*Le French Gut rassemble actuellement 4 institutions publiques (Inrae, AP-HP, Inserm, AgroParis Tech) et 11 partenaires privés (Biocodex, Biofortis, Danone Nutricia Research, GMT Science, Gnosis by Lesaffre, Institut Pasteur, Lallemand Health Solutions, Greentech, Nahbu, Nextiome Therapeutics, AdareBiome).