Tout le monde le dit : on devient de moins en moins intelligents. Le débat semble clôt mais il est surtout très difficile à trancher : il faudrait d’abord se mettre d’accord sur ce qu’est l’intelligence. Et se débarrasser de tous les biais idéologiques. On essaye…
C’est d’abord l’histoire d’un petit film de sciences-fiction qui a fini par devenir culte : « Idiocratie » raconte comment, à force de se multiplier davantage, les gens les plus bêtes prendront le contrôle de la Terre dans un avenir pas si lointain, au point qu’un rescapé de notre époque à l’intelligence assez moyenne passera pour un génie.
Une thèse marrante… et scientifique : la dysgénésie estime que la sélection naturelle des individus les plus intelligents ne joue plus dans nos sociétés plus apaisées. Et une étude de 1994 montrait que les femmes américaines dont le QI moyen est de 111 ont en moyenne 1,6 enfant alors que celles dont le QI moyen est de 81 ont en moyenne 2,6 enfants.
Toutefois, l’héritage génétique ne joue qu’entre 20 et 50% dans l’intelligence des enfants. Tout le reste, c’est de l’environnement au sens le plus large : un enfant de génies laissé à lui-même aura peu de chances de développer une intelligence, même moyenne.
Des études pour montrer la chute
Mais d’autres études scientifiques sont venues corroborer ce sentiment diffus de chute d’intelligence, que montre bien le succès tardif du film Idiocratie de 2006, par ailleurs assez moyen. En Suède, Norvège, Finlande, Pays-Bas, Grande-Bretagne, Australie, les études menées depuis 2000 semblent aller dans le même sens. Ainsi, on aurait perdu en moyenne 4 points de QI en France entre 1999 et 2009.
Et une méta-analyse britannique vient confirmer cette direction dans un certain de nombre de pays occidentaux… sauf aux États-Unis. Une étude norvégienne de 2018 en rajoute une couche et parle d’une baisse de 0,33 points de QI par an en moyenne. Mais pour elle, seules les causes environnementales, au sens le plus large, semblent expliquer le phénomène : dégradation du système éducatif, effet délétère des écrans et de la baisse de concentration qu’ils induisent, moindre qualité de l’alimentation…
Pour beaucoup donc, ce serait la fin de l’Effet Flynn, du nom du Néo-zélandais James Flynn qui, après avoir analysé 73 études effectuées entre 1932 et 1978, a montré que, au moins dans les pays occidentaux, la population avait gagné entre 3 et 5 points de QI au cours du XXe siècle. Là aussi, il mettait en avant des facteurs environnementaux, au sens large, les mêmes qui se seraient inversés depuis la fin du siècle dernier.
Et si l’intelligence changeait ?
Reste que le sujet demeure épineux : certains mettent en avant la nécessaire adaptation à la société qui produit des intelligences différentes au cours des époques et que les tests de QI auraient figé dans une certaine forme.
Ainsi, autant les critiques de l’Effet Flynn soulignaient que nos ancêtres n’étaient pas moins intelligents mais faisaient reposer leur réflexion sur des bases plus pratiques et immédiates. Les critiques du « contre-effet Flynn » mettent notamment en avant un « effet de plateau » : l’intelligence ne peut pas éternellement progresser. Le cerveau ayant ses limites et celles dépassées par les conditions environnementales du XXe siècle arrivent à leur fin.
Jean Luc Eluard