La viande de culture pourrait très vite débarquer dans nos assiettes. Des start-up françaises et étrangères nous mitonnent déjà la viande du futur. De la viande qui pousse dans des cuves sans tuer d’animaux d’élevage. Explications
Les promoteurs de la viande cultivée in vitro issue d’une culture cellulaire ne manquent pas d’arguments. Protection de l’environnement (pas de terres, moins d’eau et d’énergie que l’élevage), protection de notre santé humaine (pas d’antibiotiques, pas de cuisine génétique) et protection animale. De quoi révolutionner le bon vieux steak frites ! Ses partisans pointent du doigt les 60 milliards d’animaux abattus pour leur viande en 2016 dans le monde selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Un chiffre qui devrait grimper à 110 milliards en 2050.
Des cellules cultivées dans des boîtes de Petri
En Israël, la start-up Aleph Farms a pris une longueur d’avance avec ses lamelles de bœuf de 5 millimètres in vitro. C’est la première viande de bœuf issue d’une culture cellulaire. En trois semaines, des cellules élevées dans une boîte de Petri se transforment en steak !
Une prouesse réussie grâce aux travaux de Shulamit Levenberg, professeure et chercheuse au laboratoire d’ingénierie tissulaire de l’Institut Technion d’Haïfa. Ses recherches médicales ont été déclinées pour produire du bœuf. Didier Toubia, le directeur de la start-up, assure que sa structure et sa composition sont identiques au vrai steak saignant.
Ce laboratoire a réussi la symbiose de quatre cellules différentes, des fibres musculaires, des vaisseaux sanguins, des tissus adipeux et conjonctifs. Cette viande pousse sans OGM, ni sérum fœtal bovin. Et elle est riche en vitamines A, D, B12 et en fer. La différence, c’est son goût, loin d’égaler le persillé d’une entrecôte limousine… pour un coût environnemental très inférieur à une entrecôte sur pattes.
Du labo à l’assiette, le chemin sera long. Ce produit innovant est régi dans l’Union européenne par le règlement « Novel Foods ». Une autorisation de mise sur le marché est obligatoire… comme pour un médicament. Cette viande pourrait être servie en 2023 d’abords dans des restaurants.
En Israël toujours, Super Meat s’intéresse au poulet cellulaire avec le professeur Yaakov Nahmias. Le processus est similaire, des cellules prélevées sur un vrai poulet par biopsie, sont cultivées en laboratoire pour produire de la poitrine de poulet. Elles se nourrissent d’acides aminés d’origine végétale et de glucose.
Ces Français qui mitonnent leur recette dans un bioréacteur
La France n’est pas en reste avec deux start-up. Chez Vital Meat, le directeur Etienne Duthoit cultive des cellules de poulet dans un bioréacteur, grande cuve remplie d’un liquide nutritif. Pour bien maîtriser le process industriel, un atelier pilote devrait ouvrir dans le secteur de Cholet (Maire-et-Loire). Après autorisation de mise sur le marché, viendra la phase industrielle. Après le poulet, Vital Meat nous promet du poisson blanc et du cochon.
Dans un rapport paru en juin 2019 sur l’industrie de la viande et les évolutions, le cabinet de conseil en stratégie A. T. Kearney estime qu’en 2040, la viande cellulaire représentera 35% des parts de marché.
Faut-il encore que les consommateurs en mangent ? Pas vraiment vu les études menées, en 2015, par Jean-François Hoquette, directeur de recherche sur les herbivores à l’INRA de Clermont-Ferrand. La majorité des consommateurs ressent de la répulsion face à une viande jugée artificielle.
Corinne Mérigaud