Au cours de ces deux dernières années, le coronavirus a eu de nombreux impacts, y compris, semble-t-il, sur les règles. De nombreuses femmes ont signalé des perturbations de leur cycle menstruel, certaines ayant remarqué des changements après avoir attrapé le virus, d’autres après la vaccination
Pour certaines, toutefois, des perturbations suffisamment marquées pour être perceptibles n’ont suivi ni l’un ni l’autre.
Avant d’essayer de déterminer les causes de ces changements, il est important de noter que, de façon naturelle, les cycles menstruels varient. Bien qu’il soit communément admis qu’un cycle prévisible de 28 jours avec cinq jours de saignement est normal, il ne s’agit que d’une moyenne. Pour la plupart des femmes qui ont leurs règles, ça ne correspond pas à ce qui est réellement vécu.
Un cycle naturellement variable
En effet, la longueur, l’abondance et la durée des saignements menstruels sont toutes variables – non seulement d’une personne à l’autre, mais également chez une même personne au fil du temps. Selon la Fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique, une variation de la durée du cycle allant jusqu’à huit jours est normale.
Le cycle menstruel est contrôlé par un mélange d’hormones régulées par les ovaires et par l’ensemble situé dans le cerveau hypothalamus-hypophyse (une glande). Des perturbations de l’organisme peuvent modifier la libération des hormones, ce qui peut à son tour avoir un impact sur différents aspects du cycle menstruel, comme la durée et les symptômes.
Par exemple, un exercice physique intense ou un régime extrême entraîner parfois une interruption des règles. Ce phénomène est néanmoins réversible une fois que la consommation alimentaire augmente ou que l’exercice physique diminue. Nous devons donc être prudents lorsque nous évaluons les changements de cycles menstruels autodéclarés, car de nombreuses influences peuvent être en jeu.
Néanmoins, dans le cas présent, il se passe bien « quelque chose ».
L’impact de la pandémie
Le stress lié à la pandémie pourrait être encore un autre facteur. Le stress est en effet connu pour altérer le système de régulation présenté précédemment (hypothalamus-hypophyse), et des études antérieures ont trouvé des associations entre le stress et l’irrégularité menstruelle ou la durée des saignements.
Or nous savons que la santé mentale a été impactée lors du premier confinement. Au Royaume-Uni, elle s’est détériorée avec augmentation du stress et de la dépression.
Dans une enquête en ligne, 46 % des personnes interrogées ont ainsi déclaré avoir constaté une modification de leur cycle menstruel pendant la pandémie, notamment au niveau de la gravité des symptômes prémenstruels ou de la durée du cycle. Le stress est une cause plausible, mais non confirmée.
D’autres changements liés à la pandémie pourraient également avoir une influence. La prise de poids et l’augmentation de la consommation d’alcool, effectivement signalées pendant la pandémie, sont là encore des facteurs connus pour contribuer aux modifications des cycles.
Qu’en est-il des vaccins ?
Peu après la mise sur le marché des vaccins contre le Covid, des rapports ont commencé à faire état de leur impact sur les cycles menstruels – en particulier sur la longueur des cycles, qu’ils pouvaient notamment rendre plus courts et plus longs.
Malheureusement, les questions relatives aux menstruations n’ont guère été traitées lors de la plupart des recherches et essais sur les vaccins, de sorte qu’il n’y a pas beaucoup de données fiables.
Quelques études se sont tout de même penchées sur le sujet.
Une étude américaine portant sur près de 4 000 femmes (2403 vaccinées et 1556 non-vaccinées ; 55 % ont reçu le vaccin Pfizer-BioNTech, 35 % le Moderna 35 % et 7 % le Johnson & Johnson/Janssen, ndlr) a montré que la première dose du vaccin n’avait aucun impact sur le déclenchement des prochaines règles. Mais après la deuxième dose, certaines ont connu un léger retard – un peu moins d’une demi-journée en moyenne. Cette différence avait disparu au troisième cycle post-vaccinal.
Il est intéressant de noter que les personnes qui ont reçu deux doses en un seul cycle ont vu la durée de leur cycle augmenter de deux jours. Suivi d’un retour à la normale au troisième cycle après le vaccin.
Il est toutefois difficile de dissocier les effets du vaccin de l’impact de la pandémie. Dans une étude norvégienne portant sur plus de 5 500 personnes, 41 % des participantes ont signalé des troubles menstruels après avoir reçu leur deuxième vaccin. Mais surtout 38 % ont signalé des troubles avant même d’avoir été vaccinés. Le symptôme le plus courant étant des règles plus abondantes que d’habitude.
Cela suggère soit que les perturbations des cycles menstruels sont normales ; si la pandémie entraîne des modifications des cycles, les impacts des vaccins sont faibles. Ces études valident les expériences des femmes décrivant des changements menstruels, mais fournissent également l’assurance que ces changements sont transitoires.
Comment et pourquoi les vaccins pourraient-ils affecter les cycles menstruels ? Il y a plusieurs explications, notamment le fait que la réponse immunitaire de l’organisme suite à un vaccin quel qu’il soit peut influencer les hormones contrôlant le cycle menstruel. De fait, le constat que des changements du cycle menstruel peuvent être observés après une vaccination n’est pas nouveaux.
Dès 1913, un médecin new-yorkais établissait un lien entre le vaccin contre la typhoïde et des modifications menstruelles. Une étude plus récente a révélé une probabilité accrue de modifications du cycle menstruel à court terme après l’administration du vaccin contre les Papillomavirus humains.
Avec les vaccins contre le Covid, lorsqu’il y a des changements, ils semblent être de courte durée. Il conviendrait peut-être de préciser ce point afin que les femmes sur le point de se faire vacciner puissent s’organiser en conséquence.
Surtout, il n’a pas été démontré que ces vaccins avaient un impact sur la fertilité.
Signaler les perturbations menstruelles comme un effet secondaire pourrait encourager entreprises pharmaceutiques et chercheurs à accorder une place plus centrale à la santé menstruelle et reproductive dans la recherche médicale. Cela permettrait de disposer à l’avenir de meilleures données pour les vaccins et les médicaments. Toute personne au Royaume-Uni qui connaît des changements dans ses cycles est encouragée à les signaler au système de carte jaune, qui consigne les effets secondaires potentiels des vaccins.
(En France, l’Agence nationale de sécurité du médicament indique que « dans le cadre de la surveillance renforcée des vaccins utilisés contre la Covid-19, une enquête de pharmacovigilance est mise en place pour surveiller en temps réel le profil de sécurité des vaccins disponibles en France à partir des déclarations réalisées par les professionnels de santé, les personnes vaccinées ou leur entourage. » Toute personne peut faire remonter un signalement, ndlr)
Conséquences d’une infection au SARS-CoV-2
Il a également été suggéré que, face à une maladie grave comme le Covid, le corps réduit temporairement l’ovulation – ce qui peut avoir un impact sur les saignements menstruels. Ceci afin de rediriger l’énergie de la reproduction vers la lutte contre l’infection.
Une autre cause pourrait être les effets inflammatoires massifs que le Covid a sur le corps, ce qui là encore a un impact sur le cycle menstruel. (À noter que le risque de naissances prématurées ou de fausses couches existe en cas d’infection au Covid, ndlr)
Des données sont disponibles qui confirment bien l’influence du Covid, (des travaux complémentaires sont également demandés pour permettre comprendre l’étendue des effets, et notamment l’impact du Covid long, ndlr). Une étude comparant les cycles menstruels de 237 malades à leurs cycles antérieurs a révélé que 18 % des patientes légèrement malades et 21 % des patientes gravement malades avaient eu des cycles plus longs qu’auparavant.
Les choses étaient revenues à la normale dans les deux mois suivant la sortie de l’hôpital.
Il semble donc que vaccins et infection puissent affecter le cycle menstruel. Et bien que cela demande des travaux complémentaires, il est plausible que le stress de la pandémie le puisse également. Les perturbations ne sont que temporaires (quelques mois pour les cas les plus longs), mais si vous rencontrez de nouveaux problèmes avec votre cycle menstruel ou si les changements de vos cycles sont durables, veuillez en discuter avec votre médecin.
Gabriella Kountourides, PhD Candidate in Biological Anthropology, University of Oxford
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.