Parmi les problématiques les plus urgentes auxquelles doivent faire face les populations et les gouvernements actuels se trouve sur le podium le changement climatique, grande source d’inquiétude pour les individus. Il ne semble pas y avoir d’unique solution ou de « bonne » solution pour remédier à cette problématique ainsi qu’à la kyrielle de conséquences néfastes qu’elle engendre. Le changement climatique doit amener une réflexion quant à l’équilibre à trouver entre des considérations environnementales à long terme – préservation des ressources entre autres – et maintien du bien-être des populations
Une illustration très actuelle en la matière est celle des voitures électriques. Si les moteurs thermiques seront interdits d’ici 2035 sur les véhicules neufs, permettant une baisse indéniable des émissions de CO2, il n’en reste pas moins que les batteries électriques dorénavant produites, vont générer des besoins en matières premières – lithium et cobalt – souvent extraites de mines où les enfants travaillent. Ce type de dilemmes requiert donc une forme de sagesse dans la réflexion à mener.
Cette thématique de la sagesse en lien avec le changement climatique devient particulièrement pertinente dès lors que l’on convoque les enfants sur cette question. Futurs managers, dirigeants de nos entreprises et de nos gouvernements, il est important que les enfants prennent part au débat qui les concerne au premier chef. Il s’agit donc de les informer pour les éclairer et les aider à prendre les meilleures décisions possibles maintenant, autrement dit dans leur vie d’enfant et dans le futur, quand ils seront adultes.
Les enfants, exposés et fragilisés par les conséquences dramatiques du changement climatique, en sont souvent présentés comme des victimes. Cependant, l’Unicef reconnait largement la possibilité pour les enfants d’être écoutés et de devenir acteurs pour faire bouger les lignes. Les enfants peuvent en effet être considérés comme de plus en plus actifs dans les problématiques en lien avec le changement climatique. À l’échelle mondiale, l’activiste suédoise Greta Thunberg s’est érigée en symbole de la voix des jeunes. Même si elle ne semble susciter qu’un intérêt très relatif en France, les enfants français âgés de 7 à 12 ans sont de plus en plus acteurs de changement en matière environnementale.
La sagesse est communément présentée comme étant acquise à l’âge adulte : plus on devient âgé, plus on a d’expérience et plus on gagne en sagesse. Cependant, les enfants peuvent également, dans le contexte du changement climatique, exprimer une forme de sagesse et contribuer aux réflexions liées au bien-être, la santé mentale et physique, le bonheur, la satisfaction dans la vie, la maîtrise de soi ou encore la résilience, tant du point de vue des individus que de la société.
Sagesse et éco-gestes du quotidien
Les enfants sont intéressés, compétents et disposent d’un réel savoir-faire en lien avec les gestes du changement climatique, comme par exemple le tri des déchets. Ceci n’est guère surprenant puisqu’entre 7 et 11 ans, les enfants vont subir le plus grand nombre de changements cognitifs et sociaux au cours de leur enfance.
Ils connaissent également les développements les plus importants en matière de savoir-faire et de connaissances. Ils sont donc plus compétents, ont la capacité de développer une compréhension plus fine du marché et de concepts plus abstraits comme le développement durable et le changement climatique. Ceci apparaît particulièrement important, puisque les enfants vont acquérir la capacité à s’ouvrir sur le monde et ainsi pouvoir développer une forme de sagesse.
Nos différents travaux menés avec les enfants permettent d’identifier des indices de cette sagesse chez les enfants. Les enfants ont, semble-t-il un intérêt fort pour la nature, qui peut s’exprimer par un style de vie tourné vers l’environnement. Par exemple, Lucie, 11 ans, indique se sentir proche de la nature :
« C’est un endroit isolé de la pollution, c’est un endroit joli, plein de fleurs, un endroit là où tu as plein d’animaux, là où tu te sens bien, là où tu peux faire des grandes promenades, des petites balades en vélo, voilà. C’est un endroit là où tu te sens bien, quoi. »
À cet âge-là, les enfants sont également capables d’envisager des pratiques de consommation alternatives, tournées vers l’environnement. Lucie raconte :
« Quand on a une cruche pour servir à table, quand il nous reste de l’eau à la fin du repas et bien, on prend un gros bidon d’eau déminéralisée, qui est fini bien sûr, et on met le reste d’eau à l’intérieur. Cette eau, on la réutilise pour faire chauffer des pâtes, du riz, et tout. On ne prend plus trop de bains non plus, seulement rarement pour se détendre mais la plupart du temps, on fait des douches. »
Il semble également qu’à ce jeune âge, les enfants soient également capables de réflexivité sur leurs pratiques ou celles des autres, indice d’une consommation empreinte de sagesse. Clémence, 10 ans, nous raconte :
« Dans la vie de tous les jours, on essaye de prendre des choses bio et locales, parce que c’est important, que ce soit pas trop exporté, parce que si c’est bio, mais que ça vient de Chine, ça a pris l’avion, donc c’est plus tellement bio en fait. »
Même si les enfants développent ce style de vie, ils n’ont toutefois pas les moyens de réaliser ce mode de vie seuls au travers d’un budget financier par exemple ; les enfants développant le plus souvent une agentivité, c’est-à-dire une capacité à agir, à travers leurs parents.
« On ne peut pas changer les choses seul »
Si Lucie et bien d’autres enfants sont désireux d’agir et de tendre vers un bien-être commun, il semble pour autant que les enfants restent très conscients de leurs limites à agir seuls, comme l’indique Lucie :
« On peut changer les choses à plusieurs, mais pas tout seul dans son coin. Il faudrait que tout le monde s’y mette. Tous ceux qu’on connaît, on devrait les rassembler pour agir ensemble. Parce que la planète va très mal en ce moment. Il faut réagir, mais il y a des gens qui n’en font qu’à leur tête et qui abîment leur propre planète, c’est assez bizarre. »
Dans ce contexte climatique, les enfants montrent donc des traces de sagesse indéniable. Cependant, ils restent conscients qu’ils ne pourront agir seuls d’où la nécessité de développer un écosystème, un réseau dans lequel ils trouvent toute leur place pour s’exprimer et agir, que ce soit au sein de leur famille, à l’école ou encore dans leurs activités extrascolaires et associatives.
Il s’agit cependant de faire attention à la manière dont on communique auprès des enfants sur le changement climatique. Il semble nécessaire pour les aider à être sages dans le contexte du changement climatique à les accompagner dans leur engagement affectif. En effet, cette question du changement climatique peut être perçue comme très anxiogène pour cette jeune génération qui peut se trouver quelque peu démunie face aux images/vidéos chocs qui circulent dans les médias.
Marie Schill, Maître de conférences, HDR, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.