Dominique Chevillon, vice-président du Conseil de gestion du Parc naturel marin estuaire de la Gironde et de la mer des pertuis nous éclaire sur le rôle méconnu des vasières littorales
« Les grandes vasières représentent une source essentielle de production biologique primaire dans la zone côtière des pertuis charentais. Elles produisent à elles seules 1 500 grammes de matière vivante sèche par mètre carré et par an. Une telle productivité ne se retrouve que dans les secteurs les plus riches des forêts tropicales !
Le rôle essentiel des diatomées
L’extraordinaire productivité biologique de ces zones injustement qualifiées de « boueuses » est due à la présence de micro-algues vivant au contact du fond : le microphytobenthos (MPB). Dans les pertuis charentais, le MPB est quasi exclusivement constitué de diatomées benthiques, un groupe de microalgues brunes et mobiles qui vivent dans et sur les sédiments vaseux.
Lorsque les immenses vasières sont découvertes par la marée (émersion), ces diatomées forment un biofilm à la surface de la vase. Une petite partie de cette matière organique considérable est consommée sur place, le reste est exporté hors de la vasière, après remise en suspension et transport par les courants de marée. Elle est alors utilisée par de nombreuses espèces filtreuses de particules.
Tout le monde en profite !
C’est grâce au microphytobenthos (MPB) que les pertuis charentais représentent le premier site de production d’huîtres en Europe et le premier site de production de moules en France. Les travaux de l’équipe de Pierre Richard (LIENSs, UMR 6250 CNRS-Université de La Rochelle) ont en effet montré que l’essentiel des ressources nutritives de ces mollusques cultivés provenait du MPB.
Ces immenses vasières sont fréquentées à marée basse par des milliers d’oiseaux. Et de nombreuses espèces de poissons, comme le bar, viennent s’y nourrir à marée haute.
Un milieu fragile, à protéger
Loin d’être des étendues de boues stériles, les vasières participent intensément à la vie dans les pertuis charentais. Interfaces entre la terre et la mer, ces milieux complexes sont aussi très vulnérables. Leur bon fonctionnement peut être altéré par la présence de produits chimiques, comme certains désherbants utilisés en agriculture.
Les diatomées benthiques peuvent aussi souffrir de la pollution particulaire liée au creusement du grand port de la Rochelle qui met en suspension des particules calcaires. Nous devons donc rester collectivement très vigilants pour préserver durablement ces riches écosystèmes ! »
Propos recueillis
par Alexandrine Civard-Racinais
A lire pour prolonger cet article
« La mer des Perthuis Charentais, nourricière et fragile », Pierre le Gall, Ré Nature Environnement.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.