C’est toujours le même qui renverse son verre de rouge sur la nappe et qui, l’air passablement éméché, vient vous seriner sous le nez : « C’est pô grafe, faut met’ du sel dessus, ouaip. » Un conseil : changez d’ami. Et de méthode de détachage. Car ce vieux truc ne marche pas, bien au contraire
Pourtant, ça part d’une bonne idée, à défaut d’un bon sentiment : le sel a la capacité d’attirer l’eau. Une réaction chimique qui a pour effet de transformer le sel (NaCL) en chlore (Cl) et en sodium (Na), désormais séparés. C’est cette réaction dont on se sert et dont on s’est servi durant des siècles avant la venue des réfrigérateurs pour conserver les aliments : si on les plonge dans du sel, celui-ci enlève toute l’eau, y compris celle des cellules des bactéries, qui ne peuvent plus se reproduire. Et donc, sans bactéries, plus de décomposition, et vive le jambon. Or, le vin étant liquide, on pourrait penser que… et non ! Parce que, si sa partie liquide contient de l’alcool et de l’eau, ce qui lui donne sa belle couleur, ce sont les tannins. En mettant du sel sur une tache de vin, il va attirer tout le liquide et laisser le solide, les beaux tannins rouge vermeil. Pire encore : il va les fixer encore plus fortement. D’ailleurs, si vous avez un vêtement qui a tendance à déteindre, laissez-le tremper dans de l’eau salée, cela fixera ses couleurs, du moins pour les cotons. Pour la laine ou les synthétiques, il vaut mieux procéder avec du vinaigre.
De la même manière, les tannins sont très sensibles à la température. Ainsi, si le même ami vous conseille de passer la nappe à l’eau chaude, ne lui confiez pas votre chemise : la chaleur va les cuire, et c’est aussi radical que le sel. Les tannins vont s’incruster à l’intérieur des fibres, et c’est fichu ! La tache est là pour longtemps. Pour l’éliminer, on conseillera plutôt un absorbant genre farine ou talc. Pas de miracles à attendre, ça ne va pas changer le vin en eau, mais c’est mieux que le sel. Sinon, passez au vin blanc…