Comment déterminer si une information que l’on découvre est vraie ou si elle produite à des fins de satire ? Quelques pistes de réflexion avec Sonia Reyne, journaliste et présidente de l’Union des clubs de la presse de France et francophone
Il arrive que l’on tombe sur une information dont on se demande si elle est vraie ou si elle entre dans le cadre d’une satire, comme il en existe beaucoup. Le site du Gorafi, par exemple, s’est fait une spécialité de la satire et certaines organisations ou personnalités se laissent parfois prendre au piège, relayant au premier degré une information délivrée au second : la FIFA ou Christine Boutin comptent parmi ces victimes célèbres.
« Le premier réflexe est d’aller voir qui produit l’information sur laquelle on s’interroge », commence Sonia Reyne, journaliste et présidente de l’Union des clubs de la presse de France et francophone. « Le plus souvent, les sites satiriques annoncent qu’ils le sont, et précisent ainsi que les informations qu’ils présentent n’en sont pas vraiment. Mais il arrive que cela ne soit pas très clair. Dans ce cas, le premier réflexe rejoint un travail journalistique : je vais voir sur des sites faits par des médias professionnels si l’information existe ailleurs. Je cherche une deuxième source, en quelque sorte ».
Courant novembre, un média s’est ainsi fait piéger par un communiqué satirique d’un pseudo groupe de soutien à Arnaud Montebourg. « Cet exemple est très intéressant car il illustre, de mon point de vue, un recul de la capacité à avoir du second degré. Qu’un site professionnel prenne une telle information au premier degré et ne la vérifie pas est inquiétant. Le problème, ce n’est pas la satire, c’est bien qu’on la prenne au premier degré. La satire, elle, permet aux gens de réfléchir, de discuter, elle met en perspective. C’est vraiment le rôle du Gorafi, de prendre cette distance vis-à-vis de l’information, d’en avoir une appréhension critique. »
La satire, indispensable outil
Pour la journaliste indépendante, c’est donc en partie aux médias de permettre de comprendre si on est face à une information authentique ou satirique. « Or ils se trouvent parfois dans des conditions de production de l’information qui ne leur permettent plus de prendre du recul. Une urgence, une absence de filtres, de temps de vérification de l’information, de relecture. On demande à beaucoup d’entre eux de travailler très vite, de plus en plus vite. Cela peut avoir des conséquences majeures, pas seulement en lien avec des informations satiriques d’ailleurs. L’affaire Dupont de Ligonnès, et la manière dont beaucoup de professionnels s’étaient fait piéger par sa soi-disant arrestation à Glasgow, en est une illustration. C’est un problème que l’on retrouve dans des chaines d’information en continu mais aussi dans la presse quotidienne régionale, qui demande toujours de faire davantage de pages avec moins de journalistes. »
Au-delà du rôle des médias, c’est également une manière d’appréhender la satire qui doit être considérée, estime Sonia Reyne. « Ce qui m’intéresse, c’est la façon dont on peut construire une culture commune. Pour penser le monde, réfléchir, prendre des décisions éclairées, il est indispensable d’avoir un sens critique. Ne plus avoir accès au second degré, être incapable d’identifier la satire ou le blasphème, c’est très problématique à ce titre. »
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Jean Berthelot de La Glétais