La lombalgie aiguë, encore appelée « lumbago » ou « mal du siècle », est un enjeu de santé publique majeur : 87 % des Français ont déjà eu ou auront mal aux lombaires au moins une fois dans leur vie dans leur vie
Cette affection est très répandue : c’est le deuxième motif de consultation chez le médecin généraliste. Il est d’autant plus important de la prendre correctement en charge qu’une fois installée, elle déclenche des évènements en cascade qui l’autoentretiennent. Les douleurs lombaires entraînent une peur du mouvement (kinésiophobie) qui mène à l’inactivité et la désadaptation physique, aboutissant à une faiblesse et une raideur musculaire.
Si 90 % des lombalgies guérissent spontanément en moins de quatre à six semaines, 7 % d’entre elles évoluent vers une forme chronique. Que faire pour l’éviter ?
Une affection majoritairement bénigne
Généralement, la lombalgie est une maladie bénigne qui ne nécessite pas d’examens complémentaires tels que radiographie, scanner ou IRM. Il est cependant important de souligner que dans 7 % des cas la lombalgie aiguë évolue à un stade chronique lorsque la symptomatologie perdure au-delà de trois mois.
La lombalgie chronique représente 85 % des dépenses de santé liées à cette pathologie, soit 661 millions d’euros de la branche maladie (dont 353 millions pour les arrêts de travail) et 1 milliard d’euros par an pour la branche accident du travail/maladie professionnelle (donc 580 millions d’euros pour les arrêts de travail). Cette forme chronique de lombalgie est le huitième motif de consultation chez le médecin généraliste.
Outre les impacts individuels, la lombalgie a également des conséquences importantes pour l’ensemble de la société. Elle a en effet un coût économique non négligeable, puisqu’elle touche les deux tiers des salariés et représente un tiers des arrêts de travail. En outre, un lombalgique sur cinq est en arrêt de travail, et 30 % des arrêts de travail durent plus de six mois.
Cette pathologie est également la première cause de handicap au travail avant l’âge de 45 ans et la troisième cause de maladie professionnelle et d’invalidité. Elle représente 15 % des accidents de trajet et 7 % des maladies professionnelles reconnues.
Les secteurs d’activité les plus touchés sont : le transport, la logistique, les professionnels du BTP, les services de soins à la personne et des services de l’eau. Il est donc d’autant plus important de prendre soin de son dos au quotidien, afin d’éviter de basculer vers la lombalgie chronique.
La clé : renforcer ses muscles
D’un point de vue physiopathologique, il faut bien différencier les phénomènes douloureux « aigus » de ceux dits « chroniques ».
Il a été démontré que les douleurs chroniques résultent d’une altération du contrôle de plusieurs muscles tels que le transversus abdominis ou le multifidus, qui contrôlent les mouvements intervertébraux lombaires. Des travaux ont suggéré que ces altérations pourraient être liées à des modifications de la cartographie cérébrale impliquée dans le contrôle des muscles protecteurs du dos (muscles paravertébraux lombaires notamment). Il se produit donc une sorte de « déprogrammation centrale », ce qui implique que la lombalgie chronique ne se rééduquera donc pas de la même façon qu’un lumbago classique.
Pour faire attention à son dos, plusieurs éléments considération sont à prendre en compte. Tout d’abord sur le plan ergonomique, il faut veiller à diminuer les pressions intradiscales de la colonne vertébrale (constitués de fibres de collagène et de cartilage fibreux, les disques intervertébraux jouent un rôle de « coussins », amortissant les chocs et assurant la flexibilité de la colonne vertébrale, ndlr). Ces pressions varient en fonction non seulement de la position du corps, mais également de l’activation des muscles du dos et de l’abdomen : en position assise, elles sont plus importantes lorsque l’on est penché en avant que lorsque l’on veille à maintenir notre dos droit, appuyé contre le dossier du siège.
Parmi les autres postures à éviter, on peut citer le fait de croiser les jambes si l’on a été opéré d’une prothèse totale de hanche (par voie postéro-latérale), se pencher dos en avant, sans utiliser la flexion des cuisses et la contraction des abdominaux ou encore porter des poids ou des charges bras tendus augmentent. Ces deux dernières postures augmentent en effet les pressions intradiscales au niveau du rachis lombaire. Lorsque l’on soulève une charge, il faut privilégier un port au plus prêt du corps, en contractant ses abdominaux.
Renforcer les muscles de son dos constitue donc un moyen efficace pour lutter contre la lombalgie, comme l’a montré un essai clinique randomisé : chez des patients lombalgiques, un tel renforcement a permis d’améliorer le contrôle postural ainsi que la plasticité cérébrale.
Contrairement à ce que pensent 7 Français sur 10, qui considèrent qu’en cas de lombalgie le repos est le meilleur remède, le mouvement et l’activité physique constituent donc l’approche thérapeutique fondamentale pour traiter cette affection, qu’elle soit aiguë ou chronique.
Les méfaits du repos
Souvent, en cas de lombalgie, la peur du mouvement augmente. Les patients optent alors pour un repos prolongé et limitent leur activité physique. Or, ce faisant, ils aggravent leur mal, et s’exposent à un risque plus élevé de passage à une lombalgie chronique, de prolongation d’arrêt de travail, d’invalidité professionnelle, voire de dépression.
En cas de lombalgie aiguë,la Haute Autorité de Santé recommande, en première intention :
- de reprendre ses activités quotidiennes, ce qui inclut une reprise précoce de l’activité professionnelle si possible ;
- de pratiquer des activités physiques et sportives adaptées ;
- de se livrer à une activité progressive et fractionnée selon notre préférence ;
- de recourir à la masso-kinésithérapie.
En seconde intention, il est conseillé une sensibilisation à la neurophysiologie de la douleur, ainsi que le recours à des techniques manuelles telles que manipulations ou mobilisations (mais uniquement dans le cadre d’une combinaison multimodale de traitements incluant un programme d’exercices supervisés) et à des interventions psychologiques de type thérapie cognitivo-comportementale.
Les interventions non médicamenteuses ont donc un rôle important à jouer dans la prise en charge des patients lombalgiques, qui doit être systématiquement multidisciplinaire doit être pour être la plus efficace possible. Activité physique, modifications de son environnement, prise en charge psychologique… La Haute Autorité de Santé et l’Académie nationale de Médecine recensent plus de 400 sortes d’interventions médicamenteuses.
Si elles peuvent avoir une action préventive ou thérapeutique et potentialiser l’action de traitements biomédicaux, l’Organisation mondiale de la Santé rappelle cependant qu’elles doivent être évaluées le plus rigoureusement et scientifiquement possible, afin de démontrer leur potentiel bénéfice/risque sur la santé et la qualité de vie.
C’est d’ailleurs ce qui les distingue des médecines alternatives et des pratiques socioculturelles : les interactions non médicamenteuses sont évaluées par des essais contrôlés randomisés et être soumises à une démarche qualité. Si en cas de lombalgie le repos n’est pas la solution, il ne s’agit pas non plus de faire n’importe quoi avec son dos…
Cet article a été écrit en partenariat #PuMS, la chaîne YouTube Pour une meilleure santé et Université de Paris.
Arnaud Delafontaine, Médecin thésé en médecine physique et de réadaptation, directeur scientifique de l’Ecole d’Assas, masseur-kinésithérapeute, ostéopathe, chercheur associé au laboratoire CIAMS, Université Paris-Saclay et Boris Hansel, Médecin, Professeur des universités- Praticien hospitalier, Inserm U1148, Faculté de Santé, Université de Paris
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.