Se bidonner, se marrer, se poiler… L’homme a inventé ces expressions, mais pas le rire. Au moins 64 autres espèces animales produisent des vocalisation s’apparentant au rire
N’en déplaise à Rabelais, le rire n’est pas le propre de l’homme. Au moins 64 autres espèces animales produisent des signaux vocaux analogues à notre rire lorsqu’ils sont en situation de jeu. C’est ce qui ressort d’une analyse de la littérature scientifique existante sur le sujet, publiée le 19 avril 2021 dans la revue Bioacoustics. La liste de ces espèces, dressée par Sasha Winkler et Gregory Bryant, ressemble à un inventaire à la Prévert : du chien à la mangouste, en passant par l’éléphant d’Afrique ou le grand dauphin… On y retrouve de nombreuses espèces de primates, mais aussi trois espèces d’oiseaux, dont le perroquet kéa, originaire de Nouvelle-Zélande.
Le rire, témoignage de joie
Le rire humain ou les vocalisations de jeu des animaux traduisent la joie éprouvée en jouant. En riant, nous informons les autres que nous nous amusons. Nous les invitons aussi à se joindre à nous ! Car la joie est contagieuse.
Lorsque le perroquet kéa est d’humeur joueuse, il pousse un cri bref. Cet « appel au jeu » provoque immédiatement des vocalisations similaires chez ses congénères et l’adoption d’un comportement de jeu, seuls ou en bonne compagnie. Cette capacité du perroquet kéa à faire preuve d’« émotion positive contagieuse », découverte en 2017, a également été mis en évidence chez les chimpanzés et les rats (Rattus norvegicus).
65 nuances de rire
Au terme de la recension effectuée par les deux co-auteurs de l’article, il apparaît que « les signaux vocaux de jeu sont généralement discrets, bien que des vocalisations fortes (…) soient présentes chez les humains et certaines autres espèces ». Ainsi les sifflements aigus et brefs émis par les rats lorsqu’ils sont chatouillés sont-ils inaudibles pour nos oreilles. Ces trilles ultrasoniques 50 kiloHertz ont été révélés grâce à des enregistrements réalisés en 1999 par Jaak Panksepp et Jeffrey Burgdorf (USA). En revanche les doux halètements des singes rhésus et de nombreuses autres espèces de primates s’entendent, même s’ils restent discrets.
Le rire en partage
Les auteurs insistent sur le fait que « le rire spontané des humains partage des caractéristiques acoustiques et fonctionnelles avec les vocalisations de jeu de plusieurs espèces, notamment chez les grands singes ». Les chimpanzés produisent ainsi des « rah-rah-rah » sonores proches, associés à une mimique de jeu : face détendue, bouche ouverte et dents découvertes.
Peut-être le rire humain tonitruant a-t-il évolué au fil de l’évolution à partir d’un rire haletant ? Par ailleurs, nous rions aussi en dehors des situations de jeu. Mieux cerner le rire chez d’autres espèces pourrait ainsi permettre de mieux comprendre la forme et la fonction du rire humain, ainsi que l’évolution du comportement social humain. D’où l’importance, aux yeux des chercheurs, de mener des recherches plus poussées sur les vocalisations animales.
Alexandrine Civard-Racinais
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