Arnaud Schwartz, ancien journaliste à La Croix et actuel directeur de l’Institut de journalisme de Bordeaux Aquitaine (IJBA), explique pourquoi la profession a besoin de profils divers
« Toutes les personnes qui le souhaitent doivent pouvoir prétendre à devenir journalistes. Personne ne devrait s’interdire de suivre cette voie, les rédactions ont besoin de compétences multiples, pour traiter de la politique, des sciences, de l’environnement, de la culture…
Au fond, on peut se projeter dans ce métier quels que soient le bac que l’on a passé et les études que l’on a suivies. Il est aussi nécessaire d’avoir des journalistes qui représentent tous les visages de la société, issus de milieux agricoles, ouvriers, dont les familles sont arrivées en France relativement récemment. Ils alimentent les rédactions avec leurs vécus, leurs sensibilités.
Cette diversité est essentielle, on doit se donner les moyens de lutter contre l’autocensure de jeunes venant de milieux dans lesquels ont ne s’autorise pas à s’imaginer journaliste, alors même qu’on aurait beaucoup de choses à apporter. En tant qu’école publique, nous y sommes très attachés et attentifs. L’IJBA est même née avec ce projet, dans le creuset de Mai-68, avec des fondateurs comme Pierre Christin, lui-même fils de coiffeur. Nous entretenons cet héritage. Bien sûr, notre concours est très sélectif mais nous veillons à la diversité des profils qui nous rejoignent. Nous osons faire des paris, accueillir des profils atypiques, par exemple des gens en reconversion.
« Une profession ouverte »
L’accès aux écoles de journalisme s’est encore compliqué, depuis une quinzaine d’années, avec l’apparition de toutes sortes de classes préparatoires aux écoles, souvent onéreuses. Mais il existe des dispositifs pour accompagner aussi des étudiants boursiers, comme La Chance, qui permet de se préparer gratuitement.
L’IJBA a également mis en place des stages intensifs pour travailler les concours. Grâce au soutien de l’association des anciens de l’école, les prix sont adaptés aux revenus et il peut même y avoir une gratuité totale. Cela étant, il faut bien garder en tête le fait que l’on puisse parfaitement entrer dans une école sans être passé par une prépa. Certaines ont tendance à formater leurs étudiants, ce qui peut être contreproductif.
L’important est de porter un vrai projet professionnel lié à ce métier, pas de réciter une leçon apprise en prépa. Être soi, porter un regard éveillé sur le monde tel qu’il va, c’est vraiment la qualité première d’une personne qui veut s’orienter vers le journalisme.
Par ailleurs, il est aussi possible d’exercer ce métier sans être passé par une école, c’est une profession ouverte et c’est important qu’elle le soit, en démocratie. Du reste, sur les 1500 nouvelles cartes de presse délivrées chaque année, seules 500 à 600 sont accordées à des jeunes étant passés par l’une des 14 écoles reconnues, dont l’IJBA. Il est donc possible de devenir journaliste sans passer par une école, même si c’est indéniablement plus facile d’y arriver quand on en intègre une. »
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Propos recueillis par
Jean Berthelot de La Glétais
Avec le soutien du ministère de la Culture