Aujourd’hui, les fleurs synthétisent davantage de pigments pour se protéger des UV. Francis Quétier, professeur émérite en biologie moléculaire des plantes et project manager à Genopole recherche nous explique cette stratégie d’adaptation face au réchauffement climatique
D’après l’article publié dans Current biology, la teneur en pigments des fleurs aurait augmenté en moyenne de 2 % par an ces 75 dernières années. Parmi les 42 espèces de plantes à fleurs étudiées, celles qui présentent les plus fortes variations sont proches des pôles, là où la couche d’ozone est affaiblie. Mise à mal notamment par les chlorofluorocarbures de nos frigos, cette couche stratosphérique ne filtre plus correctement les rayonnements UV-B. Des rayons qui, à haute dose, cassent l’ADN et les membranes de nos cellules. Francis Quétier, biologiste moléculaire des plantes, explique comment nos colocataires chlorophylliens, les plantes à fleurs, modulent l’expression de leurs gènes pour se protéger de ces rayonnements nocifs.
Des pigments en guise de crème solaire
« La nature hisse ses couleurs avec sa palette de pigments, du vert “chlorophylle, en passant par le rouge des anthocyanes, l’orange des caroténoïdes, le jaune des xanthophylles au bleu des flavonoïdes. Notre œil perçoit les longueurs d’onde qui ne sont pas absorbées. Nous voyons, par exemple, l’herbe verte, car elle contient de la chlorophylle qui absorbe dans le bleu et dans le rouge. En plus de flatter l’œil humain, les couleurs des pétales attirent les pollinisateurs, mais pas que…
Cette étude montre également le rôle protecteur des pigments contre les UV. Ces molécules servent en quelque sorte de crème solaire. Un peu comme la mélanine que notre peau fabrique en cas d’exposition au soleil.
Les végétaux, par leur immobilisme, sont entièrement tributaires de leur environnement immédiat. Impossible de prendre leurs jambes à leur cou… Ils doivent donc faire face aux changements uniquement avec leur set de gènes. Pour s’adapter, une seule solution : moduler l’expression des gènes en fonction de l’environnement. Chaque gène est, en effet, équipé en amont d’une sorte d’interrupteur, appelé promoteur. Cet interrupteur peut être actionné dans un sens ou dans un autre en fonction des signaux externes. Autrement dit, l’expression du gène ne se fait que si une protéine « biosensor« reconnait à la fois le promoteur et une protéine « signal« .
Prenons les rayonnements solaires, par exemple, ils sont détectés par 3 types de « biosensor » dont chacun est sensible à l’une des 3 couleurs primaires. Activés, ils déclenchent une cascade de réactions en chaîne qui modifient in fine la conformation 3D de la protéine signal. Le « biosensor » la reconnait alors et active l’expression du gène qui synthétise un des pigments protecteurs. »
Aujourd’hui, ce changement chromatique des fleurs n’est pas encore perceptible par l’homme. Qu’en est-il des pollinisateurs ? Affaire à suivre…
Propos recueillis
par Sophie Nicaud
Un autre système de protection
Quand la lumière devient trop forte, les « biosensors » des pétioles déclenchent un mouvement de rotation axiale des limbes foliaires sur eux-mêmes. Les rayons solaires, perpendiculaires à la surface des limbes, finissent par s’aligner de façon parallèle aux rayons solaires. Les seuls photons captés par le limbe sont ceux qui tapent sur la tranche. Moins nombreux, la température des feuilles s’en trouve alors fortement abaissée.