Trois observations rarissimes d’un dauphin commun atteint d’un trouble de la pigmentation ont été rapportées par Apex Cetacea au large des côtes landaises. Un suivi scientifique vient de démarrer.
Le Gouf de Capbreton, située au large de la ville éponyme, est le royaume des grands plongeurs. Plus de vingt espèces de cétacés fréquentent ce canyon sous-marin s’enfonçant jusqu’à 3 500 mètres de profondeur. Ils y trouvent à la fois le couvert et le gîte, le gouf faisant office de nurserie pour les dauphins qui y mettent bas. Parmi les espèces de delphinidés recensées, les dauphins bleu et blanc et les dauphins communs, sont les plus représentés en été. Et il n’est pas rare d’y apercevoir des orques à la recherche de bancs de thons blancs. En revanche, l’observation d’un dauphin piebald rapportée par les membres d’Apex Cetacea est rarissime.
Le piébaldisme, un trouble de la pigmentation
À trois reprises, les 25 mars*, 24 juin et 09 août 2021, un dauphin commun « piebald » y a été observé nageant aux côtés de ses congénères. Son corps presque entièrement dépigmenté, à l’exception de sa nageoire caudale grise et de quelques marques noires sur son dos et sa nageoire dorsale, le fait paraître presque « blanc ».
Cette particularité résulte d’un rare trouble congénital de la pigmentation cutanée, appelé piebaldisme, que l’on rencontre aussi chez les humains. Un trouble synonyme de handicap pour des individus rendus très voyants aux yeux de leurs prédateurs et parfois rejetés de leur groupe (ou pod) pour cette raison. Or ce dauphin est un adulte en bonne santé, manifestement bien intégré dans son groupe.
Voyant, mais toujours vivant!
« Comment un dauphin aussi voyant a-t-il réussi à survivre aussi longtemps alors que son anomalie le rend a priori plus vulnérable? Est-il plus coriace qu’un autre ou simplement plus chanceux ? » se demande Clément Brouste, comportementaliste animalier d’Apex Cetacea. Pour le savoir, un suivi scientifique vient d’être mis en place par cette structure spécialisée dans la sensibilisation du grand public, l’étude et la protection des cétacés du Gouf de Capbreton. L’objectif étant de coupler une étude du microbiome de l’animal, réalisée à partir de prélèvements de peau non invasifs, afin de connaître son état de santé et l’environnement dans lequel il évolue, et une étude comportementale. Apex Cetacea s’est aussi rapproché d’une spécialiste travaillant sur ce phénomène en mer noire.
L’hypothèse d’une femelle gestante
Contrairement aux autres dauphins communs, qui viennent souvent jouer devant l’étrave des bateaux, « cet animal se montre très farouche et ne vient pas au contact. Son anomalie génétique, dont il semble avoir conscience, le pousse à la prudence » relève Clément Brouste.
Sa particularité le rend néanmoins plus facile à suivre ce qui permettra d’en savoir plus sur ses interactions avec ses congénères et les déplacements de son groupe. « Où vont-ils en dehors de la période estivale ? nul ne le sait ». Le sexe de l’intéressé n’est pas davantage connu. Mais de nouvelles surprises ne sont pas exclues, car « l’animal semble avoir grossi et présenter une grosseur au niveau du ventre ». Il s’agit donc peut-être d’une femelle gestante dont la place au sein de ces groupes matriarcaux sera aussi à déterminer. « Nous avons encore tant de choses à apprendre à leur sujet ! »
Alexandrine Civard-Racinais
Photo de Une : Clément Brouste/Apex Cetacea
* Cette première observation est le fait de Lilian Haristoy, photographe naturaliste partenaire de l’association.
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