Tous les ans, c’est reparti. Il faut s’attendre à lire un nouveau chapitre de la saga d’une famille de cosmétiques un peu particulière, les produits de protection solaire (PPS). Dans cette famille, les membres – entendez par là les filtres UV présents dans les formules – sont présentés comme turbulents, dangereux ; leur caractère est impossible. Bref, des membres à bannir !
À croire que les produits de protection solaire sont plus dangereux que les rayons ultra-violets dont ils nous protègent. Pour y voir plus clair, il est important de se pencher sur l’album photo de cette famille de cosmétiques classée parmi les indispensables de l’été.
Les patriarches
À l’origine de cette famille de cosmétiques, plusieurs branches généalogiques. Toutes nées au début du XXe siècle, à l’heure où le bronzage commence à être apprécié. D’une part, des formules renfermant des molécules organiques (filtres qualifiés de « chimiques »), d’autre part, des formules renfermant des molécules inorganiques (filtres dits minéraux). Et puis des mariages entre les branches, avec des formules alliant cousin-cousine (filtres organiques et filtres inorganiques).
Parfois, des ingrédients insolites se glissent au milieu des invités de la noce ; on citera comme exemple des parfums à caractère photosensibilisant (c’est-à-dire susceptible d’engendrer des réactions cutanées en cas d’exposition aux UV) comme l’eau de Cologne. Le résultat : des produits que l’on teste sur le terrain mais n’affichant pas encore de SPF (sun protection factor, le chiffre affiché sur les bouteilles de crème solaire), les méthodes permettant de quantifier l’efficacité des produits mis sur le marché n’étant pas encore inventées. Certaines références mêmes (nous évoquons ici les crèmes qualifiées de « crèmes brunissantes laissant légèrement passer les rayons ultraviolets ») se présentent comme des membres de la grande famille des PPS ne renfermant pourtant aucun filtre UV (c’est le cas des formules composées de lanoline, de vaseline et de parfum).
Les ancêtres valeureux
À partir des années 1970, la famille des PPS commence à se structurer. On dispose maintenant d’une réglementation des cosmétiques ; les filtres UV autorisés font l’objet d’une liste spécifique (pour être considéré comme un filtre UV il faut avoir fait ses preuves et être considéré comme sûr d’emploi). Des méthodes de détermination de l’efficacité des produits sont mises au point, il s’agit de méthodes in vitro utilisant un support inerte et d’une méthode in vivo proposée dans les années 1950 et faisant appel à des volontaires.
Petit à petit, les produits s’améliorent, les galéniques (c’est-à-dire les différentes formes à disposition, huile, émulsion, stick) sont plus agréables (et ceci est important car la protection obtenue dépend de la qualité du film de produit déposé sur la peau) ; des associations judicieuses de filtres UV (organiques et inorganiques confondus) sont réalisées (comme un filtre UV possède rarement toutes les qualités requises, on réalise des associations afin d’obtenir des produits à la fois photostables (capables de protéger des UV pendant au moins 2 heures) et efficaces, et ce tant dans le domaine UVA que dans le domaine UVB, les UVA et UVB étant tous deux à mettre en relation avec la survenue de cancers cutanés).
Les enfants turbulents
Début du XXIe siècle, la photo de famille des PPS montre des fractures, les membres dits « inorganiques » se présentant comme les ingrédients les plus respectueux de l’environnement ; les membres dits « organiques » étant pointés du doigt pour diverses raisons. Une ambiance pas franchement conviviale, toutes sortes d’informations courant à leur sujet.
L’oxyde de zinc n’est pas blanc de blanc en matière environnementale
En 2019, des publications se font l’écho de la toxicité pour l’environnement de l’oxyde de zinc, produit très souvent utilisé dans les solaires bio. Ce produit a un effet protecteur faible.
Les filtres UV se retrouvent dans la circulation
Été 2019, une publication fait grand bruit, mettant en avant le risque de pénétration transdermique de certains filtres UV, un phénomène pourtant connu depuis longtemps, que l’on doit minimiser au maximum en évitant d’incorporer dans les formules des exhausteurs de pénétration (ces molécules qui renforcent le phénomène de pénétration transcutanée) tels que l’alcool, ce solvant qui ne devrait pas être retrouvé dans ce type de produit. Un phénomène connu qui nous fait dire depuis des années que les filtres UV ne doivent pas être distribués larga manu dans tous les cosmétiques du quotidien.
L’octocrylène donne naissance à de la benzophénone en vieillissant
Printemps 2021, l’octocrylène, un filtre UVB photostable et efficace est présenté comme dangereux du fait de sa transformation en benzophénone à long terme. Démonstration faite sur des produits cosmétiques vieillis artificiellement. Une publication allant à l’encontre de l’avis du SCCS (Scientific Committee on Consumer Safety) de 2021 déclarant l’octocrylène sûr d’emploi lorsque l’on respecte les doses maximum autorisées.
Devant ces contestations, certaines sociétés optent pour la mise sur le marché de produits 100 % naturels, sans « filtres chimiques » (entendez par là sans filtres UV réglementés). En 2017, l’ANSM s’était ému à la vue de ce type de produits, réalisant une mise en garde aux fabricants expliquant que l’appellation « produit de protection solaire » impliquait la présence de filtres UV réglementés. Des produits 100 % naturel, sans filtre UV réglementés, à effet antisolaire, sont pourtant toujours aujourd’hui sur le marché.
Alors que pensez de ma crème solaire ?
Difficile de répondre à cette question sans savoir quelle crème vous utilisez tant il existe une variabilité en matière de qualité des produits commercialisés. Une dangerosité liée aux filtres UV utilisés ? Certainement pas. Une dangerosité liée à la piètre efficacité du produit choisi ? Oui, certainement tant les UV qui sont responsables de cancers cutanés doivent être filtrés de manière efficace. Non, ce n’était pas mieux avant ! Pas question, pour une raison de santé cutanée, de revenir aux formules d’antan.
Pour cet été, préférez les crèmes conventionnelles les plus efficaces, avec un indice élevé, aussi bien pour les enfants que pour les parents et évitez les formules renfermant de l’alcool.
Céline Couteau, Maître de conférences en pharmacie industrielle et cosmétologie, Université de Nantes, Auteurs historiques The Conversation France et Laurence Coiffard, Professeur en galénique et cosmétologie, Université de Nantes, Auteurs historiques The Conversation France
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.