C’est une expérience rare en France qui permet d’utiliser des espaces inexploités pour produire de l’électricité : une centrale photovoltaïque flottante a été installée sur un lac de carrière dans la Vienne. Sergies, l’exploitant de cette unité, compte les multiplier dans la région
L’idée est simple dès le départ : « Pour développer notre activité, on cherche à réhabiliter d’anciens sites industriels, des terrains qui n’ont pas réellement d’usage. Comme ça, on évite les conflits d’usage comme il peut y en avoir sur les terrains agricoles ». Marion Brehinier est chargée du développement des projets de centrales flottantes à Sergies, filiale « énergies renouvelables » de Sorégies. Et elle a du travail en perspective : d’ici 15 ans, l’ambition du principal fournisseur local d’électricité du pays est de passer au 100% renouvelables. C’est ainsi que la centrale « flotovoltaïque » de Saint-Maurice la-Clouère, l’un des maillons de cette ambition, a vu le jour sur un lac de carrière.
Les 3 ha du lac couverts en panneaux peuvent fournir 700 foyers en électricité
Cette centrale est certes la deuxième de ce type en France (une première a vu le jour en 2019 dans le Vaucluse) mais le Japon et la Chine, notamment, ont depuis quelques temps déjà, exploité le filon des anciennes carrières reconverties. A Saint-Maurice la-Clouère, « la mairie voulait un projet cohérent avec les enjeux actuels pour utiliser cette friche. Elle ne voulait pas de projet touristique ». Alors là, ce n’est pas touristique, c’est novateur : 7 800 panneaux montés sur des flotteurs qui fournissent 3 500 mégaWatt. Soit à peu près la consommation de 700 foyers. En tout, 3,1 hectares sur les 4,5 hectares du plan d’eau sont recouverts de panneaux.
Une petite marge a été gardée pour tenir compte des contraintes de la nouvelle technique. Car il a fallu laisser du mou dans les ancrages fixés sur la rive pour tenir compte des variations du niveau de l’eau. De fait, la centrale bouge constamment. Les variations historiques du bassin ont été étudiées pour se laisser une marge afin que l’ensemble de vienne pas s’échouer sur la rive. Une fois monté avec des barques spécialement conçues, la centrale fonctionne comme une autre, avec le même type d’entretien.
Les panneaux sont refroidis par l’évaporation de l’eau
A ceci prêt que les panneaux ont un rendement supérieur. Pas forcément grâce à la réverbération sur l’eau mais parce que les panneaux photovoltaïques supportent mal la chaleur. Ils fonctionnent moins bien au delà de 25°C. Ici, avec l’évaporation de l’eau, ils sont mieux refroidis ce qui améliore leur efficacité. Entre 10 et 15% selon les estimations généralement admises. De quoi compenser les surcoûts liés à la nouveauté de la technique : peu d’entreprises fabriquent les flotteurs nécessaires et leur coût est encore élevé. Mais les panneaux sont des panneaux standards, même si leur connectique doit être étanche.
Première centrale « flotovoltaïque » de la région (le terme a été déposé par Sorégies), elle devrait normalement être suivie d’autres. Un projet est en cours d’études en Charente qui devrait profiter de l’expérience de cette première, mise en service en septembre 2020. En corsant la difficulté au fur et à mesure : celle de Saint-Maurice est idéale car ses formes sont régulières, ce qui évite des complications de forme des flotteurs. Et elle est très enclavée, donc protégée des vents. Mais petit à petit, ce genre de centrale devrait occuper d’autres dents creuses industrielles. Pour éviter les pertes de terres agricoles ou naturelles.
Jean-Luc Eluard