Comme le Coca, le McDo ou les Santiags, le 1er Mai vient… des États-Unis. Et il n’est pas prêt d’y retourner car il n’y est plus fêté là-bas à cette date mais le premier lundi de septembre, ce qui lui évite de tomber un dimanche
Aussi incongru que cela puisse sembler aujourd’hui, à la fin du XIXe siècle, le mouvement ouvrier était particulièrement fort aux États-Unis et souvent plus avancé qu’ailleurs. C’est ainsi qu’en 1884 il donne deux ans aux entreprises pour passer à la journée de huit heures au lieu de dix (soit quarante-huit heures par semaine au lieu de soixante, car seul le dimanche était chômé). Comme date limite, il fixe le 1er mai 1886 car c’est toujours à cette date que sont bouclés les bilans annuels. La plupart des entreprises obtempèrent mais les salariés de Chicago qui n’ont pas bénéficié de la réforme commencent à manifester : la répression fait trois morts le 3 mai. Les manifestations qui s’ensuivent sont également endeuillées et cinq syndicalistes sont pendus malgré l’absence de preuves.
C’est donc en hommage à ces morts que l’Internationale socialiste à Paris demande aux ouvriers du monde entier de manifester à cette date : ils le feront pour la première fois en 1890, un triangle rouge à la boutonnière pour symboliser la journée des trois tiers (un pour le travail, un pour les loisirs, un pour le sommeil). L’année suivante, à Fourmies, dans le Nord, la troupe fait feu sur les manifestants et fait dix morts, dont Marie Blondeau, ouvrière qui défilait, des aubépines dans les bras.
Le 1er Mai devient donc ici aussi une fête hommage aux mineurs français abattus et au rouge du triangle revendicatif s’adjoint le brin d’aubépine commémoratif. La date du 1er mai est donc indirectement choisie pour correspondre aux bilans comptables des firmes américaines. Saugrenu…
Symbole de renouveau
Mais il faudra attendre le gouvernement Pétain, qui veut mettre les ouvriers dans sa poche, pour que la date devienne officiellement fériée en France, glissant au passage qu’elle coïncide avec la Saint-Philippe. Il en profite pour changer de symbole : l’églantine rouge, un peu trop marquée « grand Satan soviétique », est remplacée par le muguet, qui fleure bon une France un peu plus… traditionnelle. Car le muguet est depuis longtemps associé à cette date. Déjà, en 1561, après en avoir reçu un bouquet, le roi Charles IX décide que, ce jour-là, toutes les dames de sa cour s’en verront offrir.
Plus avant encore, la date est toujours symbole d’un renouveau : pour les Romains (toujours là lorsqu’il s’agit d’une fête !), on est en plein dans les célébrations pour la déesse Flora, spécialisée en fertilité végétale. Et, pour les Celtes, la première lune de mai marque les fêtes de Beltaine, qui doit protéger le bétail pour l’année.
Bref, début mai est une période propice aux fêtes et célébrations et le 1er Mai actuel s’y rattache, un peu. Qui n’est d’ailleurs pas la « Fête du travail » puisqu’il serait incongru de chômer ce jour-là mais bien celle « des travailleurs ».