Les espèces exotiques envahissantes font plus de dégâts sur la biodiversité que la pollution. Elles ont aussi un impact économique énorme. Une équipe de recherche internationale vient d’estimer leur coût… vertigineux et alarmant
1 288 milliards de dollars. Ce chiffre exorbitant n’est pas celui du futur voyage inaugural vers Mars, mais des coûts engendrés par les espèces exotiques envahissantes (EEE) à l’échelle mondiale en l’espace de 40 ans. Des coûts « largement sous-estimés » et peu connus, déplorent les auteurs de la première estimation complète sur le sujet publiée dans la revue scientifique Nature le 31 mars 2021.
Vous avez dit EEE ?
Une EEE est une espèce introduite, volontairement ou non, par l’humain dans un nouveau milieu, qui devient nuisible et menace son nouvel habitat. Il peut s’agir d’une plante comme la jussie rampante, d’un coquillage comme la moule zébrée, d’un insecte comme le moustique tigre ou d’un mammifère comme l’écureuil gris.
Les espèces locales affectées
La propagation de certaines EEE a d’énormes impacts écologiques. A titre d’exemple, « sur 27 espèces d’anoures présentes en France, on comptabilise 4 espèces invasives dont la grenouille taureau » commente l’herpétologue Françoise Collet-Serret*. La pression exercée par cette espèce est forte. Très vorace, elle se nourrit à 50 % d’autres amphibiens. « À cette prédation s’ajoute une compétition indirecte : la Grenouille taureau occupe les niches écologiques d’autres espèces. De plus, elle est porteuse saine du chytride (nda une bactérie), qui peut affecter les espèces locales. » Aussi fait-elle l’objet, en Nouvelle Aquitaine, d’un programme d’éradication.
Le tourisme et l’agriculture aussi impactés
A ces impacts écologiques, s’ajoutent des pertes économiques dans certains domaines d’activité tels que l’agriculture et le tourisme. Sans compter les risques sanitaires générés par certains EEE comme le moustique tigre, vecteur de maladies virales.
Tout cela a donc un coût, estimé à plus de mille milliards de dollars, par les scientifiques du CNRS, de l’IRD et du MNHN qui ont réalisé cette première synthèse de tous les coûts reportés, à l’échelle mondiale, toutes espèces confondues. Ce, dans l’espoir que ces coûts énormes, qui « ne représentent que la partie émergée de l’iceberg », provoquent enfin une réaction appropriée et concertée.
« L’adage « mieux vaut prévenir que guérir » prend ici tout son sens », souligne Franck Courchamp, directeur de recherche au CNRS, co-auteur de l’étude et co-signataire d’un article publié en parallèle sur le site The Conversation. Les mesures proactives pour empêcher les invasions doivent devenir une priorité. Une fois l’invasion avérée, plus la réponse est précoce, plus son contrôle sera efficace – et moins il sera coûteux. » Et de lancer ce cri d’alerte : « Espérons que mille milliards de dollars seront suffisants pour cette indispensable prise de conscience ! »
Alexandrine Civard-Racinais
* auteure de l’ouvrage Grenouilles, crapauds et Cie, Quae (2017).
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