Pupils of primary school. Girls with backpacks outdoors. Beginning of lessons. First day of fall par choreograph

Certains indicateurs utilisés par l’OCDE – comme les meilleures notes obtenues par les filles en classe ou le nombre supérieur de femmes diplômées par rapport aux hommes à la sortie de l’enseignement supérieur – suggèrent une domination scolaire féminine dans les pays occidentaux, de l’école primaire à l’université

Ce constat n’est pas récent, il est fait depuis plus d’une trentaine d’années. Dès lors, comment expliquer que les femmes continuent de faire l’expérience d’une discrimination à la fois horizontale et verticale ?

En effet, bien que surreprésentées dans les domaines des sciences humaines et sociales (SHS), dans l’éducation et la santé, les femmes demeurent sous-représentées dans les sciences, la technologie, l’ingénierie, les mathématiques et l’informatique (STIM), considérées comme les filières les plus prestigieuses et menant aux carrières les plus rémunératrices selon le Forum Économique Mondial en 2019 ; c’est ce que l’on appelle la discrimination horizontale.

En outre, majoritaires et plus diplômées que les hommes de la Licence jusqu’au Master, elles sont minoritaires à partir du Doctorat, et ce, même dans certaines filières de SHS (discrimination verticale).

De tels constats surprennent au regard de la supposée domination scolaire des filles.

Une valorisation ambivalente

En réalité, cette domination féminine est un leurre. Certes, les filles ont de meilleures notes, redoublent moins et sont plus nombreuses dans l’enseignement supérieur que les garçons, mais cette meilleure réussite est délégitimée.

En apparence, l’école est un univers féminin, donc défavorable aux garçons, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, les enseignantes sont plus nombreuses que les enseignants, notamment en classe de maternelle et dans l’enseignement primaire. On pourrait alors penser que les filles sont favorisées par les attentes « féminines » de leurs enseignantes.

Ensuite, l’expression de la masculinité serait sanctionnée chez les garçons, expliquant ainsi qu’ils réussissent moins bien à l’école, et délégitimant par la même occasion la réussite des filles. Plus précisément, l’expression de la masculinité prescrite chez les enfants et les adolescents de sexe masculin est de réussir sans (trop) d’effort pour démontrer une intelligence supposée « naturelle ».




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La connotation féminine de l’école, du travail scolaire et de l’effort serait difficilement compatible avec la construction d’une identité stéréotypiquement masculine. Parce que socialisés au sein de leur famille avec des valeurs plus stéréotypiquement masculines, les garçons feraient alors l’expérience d’une sorte de décalage culturel au sein de l’école qui pourrait contribuer à leur moins bonne réussite scolaire.

Toutefois, chacun de ces arguments peut être invalidé par différentes preuves scientifiques. Par exemple, dans deux études parues en 2017, nous avons montré que les garçons s’adaptent au contexte dans lequel ils se trouvent : même s’ils privilégient les valeurs stéréotypiquement masculines (ambition, compétition) dans leur contexte familial, ils adhèrent plus à des valeurs stéréotypiquement féminines (altruisme, coopération) dans le contexte scolaire.

Dans une autre série de trois études publiées en 2020 et menées auprès d’étudiants et étudiantes de différentes filières (école d’ingénieurs, SHS), nous avons montré que la fonction de sélection consubstantielle au système académique est largement plus favorable aux hommes/garçons qu’aux femmes/filles.

Si les normes et valeurs promues au sein de l’école trouvent toute leur légitimité dans le fait qu’elles valorisent, en apparence, des valeurs comme l’altruisme et la coopération, favorisant ainsi les filles, le fonctionnement structurel de cette institution favorise également, et de manière plus détournée, moins visible, les valeurs de compétition, celles avec lesquelles les garçons sont davantage socialisés.

Explications sexistes

De manière plus générale, nous avons pu montrer dans d’autres études parues en 2015 et 2016 que, certes, l’école véhicule des valeurs stéréotypiquement féminines mais qu’elle contribue tout autant à la valorisation de certaines caractéristiques et valeurs stéréotypiquement masculines. La réussite scolaire des filles est expliquée par leur conformisme, leur autodiscipline, leur sens de l’altruisme.

En revanche, la compétence scolaire des garçons est attribuée à leur confiance en soi et ambition, et à leur esprit de compétition. Cette confiance en soi et cet esprit de compétition, voire de résistance à l’autorité, des garçons qui réussissent scolairement, même s’ils peuvent se révéler pénibles à gérer pour le corps enseignant, sont vus comme gages de leur autonomie et prédicteurs d’un potentiel de réussite bien supérieur à celui envisagé pour les filles.

Contrairement aux caractéristiques utilisées pour rendre compte de la réussite scolaire des filles, celles utilisées pour expliquer la réussite scolaire des garçons sont donc des qualités fortement prescrites pour réussir dans le monde professionnel.

En conclusion, réduire la supériorité scolaire des filles à une question d’obéissance, de respect des normes scolaires et/ou à la présence massive d’enseignantes est une explication sexiste des écarts de réussite scolaire entre filles et garçons, particulièrement discriminante vis-à-vis des filles et des femmes, même si elle n’est évidemment pas assumée, voire conscientisée, comme telle.

Le revers de la médaille pour les garçons est que l’antagonisme perçu et prescrit entre masculinité et travail scolaire régulier peut les conduire à ne pas investir autant d’effort qu’ils le pourraient dans leur scolarité. Ainsi, le plus faible investissement scolaire des garçons par rapport aux filles ne serait pas nécessairement dû à la (supposée) féminisation de l’école, mais au moins en partie à la perception de faible utilité de l’école que la socialisation genrée les conduirait à développer.

Mais alors, comment promouvoir plus d’égalité ? À la place de cette socialisation genrée, la société en général, et l’enseignement supérieur en particulier, devraient davantage promouvoir les valeurs d’altruisme, de tolérance, de coopération. En effet, dans les études citées ci-dessus, nous avons montré que renforcer ces valeurs réduit les écarts d’ambition entre les femmes et les hommes une fois arrivés à l’âge adulte en augmentant celle des femmes sans réduire celle des hommes.

Attention, toutefois : l’altruisme, la tolérance, l’esprit de coopération ne doivent pas seulement servir à donner une bonne image de soi mais doivent être perçus comme un gage de réussite future, des caractéristiques qui permettent d’être sélectionné·e, recruté.e., mieux rémunéré·e mais aussi de progresser dans sa carrière.The Conversation

Delphine Martinot, Professeure des Universités en Psychologie Sociale, Université Clermont Auvergne (UCA); Alyson Sicard, Docteure en psychologie sociale, rattachée au LAPSCO, Université Clermont Auvergne (UCA) et Céline Darnon, Professeure de psychologie sociale, Université Clermont Auvergne (UCA)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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