On les appelle fruits oléagineux : nonobstant leur richesse en matières grasses, en raison de leurs nombreux atouts pour la santé, les amandes, noisettes et autres noix figurent aujourd’hui parmi les aliments dont la consommation est encouragée, au Canada comme aux États-Unis, en Europe, ou en France – à raison d’une petite poignée chaque jour
D’un point de vue nutritionnel, ces fruits à coque se caractérisent notamment par des taux élevés (50 à 75 %) d’acides gras insaturés (qui ont la réputation d’être de « bonnes graisses »), des teneurs non négligeables de protéines (10 à 25 %), ou encore la présence de minéraux (cuivre, magnésium, potassium), vitamines (B3, B9, B6, E), fibres alimentaires, antioxydants et stérols végétaux. Un faisceau d’indices suggère qu’ils pourraient nous aider à bien vieillir, en nous protégeant de diverses pathologies chroniques.
Un taux de « mauvais » cholestérol réduit
S’il est un domaine dans lequel les oléagineux ont fait leurs preuves, c’est celui de la maîtrise du cholestérol. La réduction des apports en graisses d’origine animale ou la consommation de fibres solubles ont certes prouvé leur intérêt s’agissant de réduire les taux de LDL-cholestérol (LDL-C), c’est-à-dire de « mauvais cholestérol ». Mais de nombreux travaux ont également mis en évidence l’impact favorable d’une poignée quotidienne d’amandes. Ceci semble être vrai pour l’ensemble des fruits oléagineux.
Ainsi, en 2010, l’étude des données recueillies au cours de 25 essais cliniques, menés auprès d’hommes et femmes souffrant d’hypercholestérolémie, a démontré qu’en consommant tous les jours et pendant trois à huit semaines 67 grammes de fruits à coque, on pouvait réduire son taux de LDL-C de 7,4 % – avec des effets d’autant plus importants que ce taux est élevé au départ.
Une autre revue systématique des données scientifiques a confirmé ces résultats, bien que dans des proportions plus modestes. Conduite en 2018, elle a analysé les résultats de 26 essais cliniques : ses auteurs notent cette fois une réduction de 3,7 % des taux de LDL-C à la suite d’un régime alimentaire enrichi en fruits oléagineux (de 15 à 108 g/jour) mené durant un à douze mois. Or on sait qu’une baisse du taux de LDL-C est associée à un moindre risque de mortalité totale et cardiovasculaire, surtout si ledit taux est au départ élevé. Si aucune étude clinique n’a pour l’heure démontré que la consommation de fruits à coque peut diminuer le risque d’accidents cardiovasculaires, les arguments à l’appui d’une telle hypothèse ne manquent pas.
Un moindre risque de maladies cardiovasculaires
On peut d’abord citer les résultats d’une méta-analyse publiée en 2019. S’appuyant sur les critères d’inclusion de Cochrane, ses auteurs ont sélectionné 19 études et mis à jour qu’un apport de 28 g/jour d’oléagineux est associé à une réduction du risque cardiovasculaire de 13 % et à une baisse de la mortalité par maladie cardiovasculaire de 29 %.
On peut aussi évoquer une vaste étude multicentrique, randomisée et contrôlée sur l’intérêt d’un régime méditerranéen enrichi en oléagineux dans la prévention du risque cardiovasculaire. Ses participants, âgés de 55 à 80 ans et présentant un risque cardiovasculaire important, ont été suivis, en moyenne pendant près de 5 ans, en étant assignés à trois types de régimes alimentaires : un régime pauvre en graisses, un régime méditerranéen enrichi en huile d’olive, et un autre complété par des fruits à coque. Au bout du compte, il s’est avéré que les événements cardio-vasculaires étaient moins fréquents dans les deux groupes ayant suivi un régime méditerranéen.
Du gras qui ne fait pas prendre de poids
Côté énergie, 30 g d’amandes, de cacahuètes, pistaches ou noix de cajou nous apportent 180 kcal, et il faut compter 220 à 230 kcal avec des noix, noix de pécans, noix du brésil. C’est à peu près l’équivalent de 30 à 40 g de chocolat au lait. Or les calories étant essentiellement le fait des graisses, on peut être porté à croire qu’il faut se méfier des oléagineux si l’on veut surveiller sa ligne. À tort…
En effet, une récente étude a passé au crible de l’analyse six études de cohorte prospectives et 62 essais d’alimentation randomisés. Or d’après ses conclusions, la consommation régulière de fruits à coque pendant un laps de temps plus ou moins long (entre 3 et 336 semaines) s’accompagne en moyenne d’une très légère perte de poids (200 g en moyenne), et d’un tour de taille qui tend à diminuer (environ – 0,5 cm).
Si les raisons de ces observations contre-intuitives ne sont pas parfaitement expliquées, plusieurs hypothèses sont proposées. D’une part, la matrice qui englobe les graisses du fruit à coque limite partiellement leur absorption au niveau intestinal : en clair, une partie des matières grasses est éliminée dans les selles plutôt que d’être assimilée. D’autre part, grâce à leur effet sur la satiété, les amandes et autres noix réduisent la prise alimentaire lors des repas, si bien que l’apport calorique total n’est pas augmenté, et peut même diminuer.
Les noix ont-elles des vertus anticancer ?
D’autres bénéfices sont attribués aux oléagineux. Notamment s’agissant de la prévention des cancers, bien que le niveau de preuves soit faible – les études concernées reposant sur des observations et comportant différents biais d’interprétation.
Ainsi, d’après l’analyse de quelque 33 études publiées avant juin 2019, une consommation élevée de noix serait associée de manière significative à une diminution du risque de cancer de 10 %. Et cet effet protecteur serait plus marqué pour les cancers digestifs, avec une baisse du risque de 17 %.
Les forts taux d’antioxydants des fruits à coque pourraient être impliqués. Mais avant de creuser cette hypothèse, encore faudrait-il confirmer ces données observationnelles par de véritables essais cliniques contrôlés et randomisés : pour l’heure, rien ne permet d’affirmer que manger des noix nous protège du cancer.
Moins de maladies neurodégénératives ?
Les graisses sont essentielles pour le cerveau. Après le tissu adipeux, c’est en effet l’organe du corps le plus riche en lipides – lesquels se trouvent dans les membranes de neurones et de leurs cellules de soutien, mais aussi dans la myéline grâce à laquelle l’influx nerveux se propage rapidement. Aussi, plusieurs équipes scientifiques ont-elles cherché à évaluer les bénéfices des fruits à coques pour le système nerveux central. Que nous apprennent-elles ?
On y découvre notamment qu’après 8 semaines d’un régime alimentaire plus ou moins enrichi en noix, les performances psychomotrices de rats de 19 mois sont modifiées : une alimentation à 2 % de noix améliore la marche sur tige, à 6 % la marche sur planche, et à ces deux taux la mémoire de travail est meilleure. Ces résultats ont été confirmés sur une plus courte durée (28 jours), avec une amélioration significative de l’apprentissage et la mémoire des rongeurs.
Quant à l’être humain, l’essai d’intervention diététique PREDIMED a montré qu’un régime méditerranéen enrichi en noix améliore la mémoire de travail. Il a aussi été mis en évidence, sur le plan biologique, un risque diminué de faible taux plasmatique de BDNF – une protéine qui encourage la croissance et la différenciation de nouveaux neurones. Les noix semblent donc pouvoir se révéler bénéfiques dans la prévention du déclin cognitif lié à l’âge. Mais on manque toutefois de preuves directes pour affirmer qu’en manger régulièrement réduit le risque de maladies neurodégénératives.
Au bilan, les fruits à coque présentent à première vue tous les attributs permettant de les considérer comme des alliés de notre santé. S’ils sont riches en calories et en matières grasses, 30 g par jour semblent en effet réduire le taux de « mauvais cholestérol » et nous protéger des maladies cardiovasculaires, sans avoir d’effet sur le poids. Les arguments ne manquent pas qui suggèrent un impact positif tant sur d’autres pathologies que sur le déclin cognitif lié à l’âge.
De bonnes raisons pour recommander à chacun d’inclure chaque jour dans son régime une poignée quotidienne d’amandes, noisettes ou autres noix – évidemment sans sucre ou sel ajouté !
Boris Hansel, Médecin, Professeur des universités- Praticien hospitalier, Inserm U1148, Faculté de Santé, Université de Paris; Diana Kadouch, Praticien Hospitalier, Hôpital Bichat, Service de Diabétologie-Nutrition, AP-HP, Chargée de cours au sein du DU de nutrition, Université de Paris et Jérémy Puyraimond-Zemmour, Assistant spécialiste, Service de Diabétologie-Nutrition, Hôpital Bichat, AP-HP, Chargé de cours au sein du DU de nutrition, Université de Paris
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.