Depuis le début de la crise sanitaire, nous avons vu des experts se déchirer sur les plateaux télé, donnant une image trouble du scientifique. Étienne Klein, physicien et philosophe des sciences, nous répond dans ce « 1 question à »
« Une opportunité quasi historique nous a été donnée d’expliquer au grand public, en temps réel, la méthodologie scientifique : ses tâtonnements, ses avancées, ses biais… Au lieu de la saisir, nous avons préféré mettre en scène nos égos et nos ressentis. “Je ne suis pas médecin, mais…”
L’amalgame entre science et recherche
Ces derniers mois, l’image de la science, abusivement confondue avec la recherche, se brouille et se dégrade. Elle donne l’impression d’être une bagarre permanente entre des experts qui ne parviennent jamais à s’accorder. Or, la science et la recherche sont deux choses bien distinctes.
La science représente une somme de connaissances, de résultats acquis et de théories dûment mises à l’épreuve, qu’il n’y a pas lieu, jusqu’à nouvel ordre, de remettre en cause : la Terre est ronde. Alors que la recherche, elle, tente d’aborder des questions précises dont la réponse n’est pas encore connue : « une personne atteinte du coronavirus pourrait-elle être infectée une seconde fois ? »
« ces derniers mois, l’image de la science, abusivement confondue avec la recherche, se brouille et se dégrade » Étienne Klein.
La vérité scientifique
Nous avons tous des préjugés, les scientifiques n’y font pas exception. S’ils parviennent à s’en défaire dans leur domaine de compétence, ce n’est pas en s’imposant une cure de désintéressement personnalisée, ni en polissant leurs phrases, mais en adoptant collectivement une méthode critique.
Une vérité « scientifique » ne doit, en principe, pouvoir être déclarée telle qu’à la suite d’un débat contradictoire ouvert, conduisant si possible à un consensus. Bien sûr, il existe aussi des zones grises, des situations ambivalentes où la vérité, hésitante, parfois même plurielle, prête à débat. Mais ce sont alors la prudence et l’humilité qui devraient s’imposer.
Les réseaux sociaux font de la science une croyance
Or, la tendance à avoir un avis non éclairé sur tout, et à le répandre largement, semble gagner en puissance grâce aux réseaux sociaux. Dans son sillage, elle distille l’idée que la science ne relève que d’une croyance parmi d’autres. Espérons qu’à la fin de la pandémie, nos concitoyens fassent au moins la différence entre la science et la recherche ».
Propos recueillis par
Sophie Nicaud
Photo Fabien Rouire/CEA